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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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allumait les petites lanternes devant les boutiques de la
grand-rue pour éclairer les visages levés des fermiers locaux qui contemplaient
avec respect ce sénateur célèbre dressé à l’arrière de son chariot, trois
doigts tendus vers la gloire de Rome. Je pris alors conscience que, malgré tout
son raffinement, il faisait encore partie de ces gens – qu’il était
un personnage issu d’une petite ville de province, mû par une conception
idéalisée de la République et de la citoyenneté, un rêve d’autant plus vif que
lui aussi était un homme nouveau.
    Pendant les deux mois suivants, Cicéron se consacra
entièrement aux électeurs de Gaule cisalpine, en particulier ceux de la région
de la capitale provinciale de Placentia, qui s’étendait sur les deux rives du
Pô et où des familles entières étaient divisées par cet épineux problème de la
citoyenneté. Il reçut une assistance appréciable dans sa campagne de la part du
gouverneur Pison – ce même Pison qui, curieusement, avait menacé
Pompée de connaître le même destin que Romulus s’il insistait avec son désir de
commandement suprême. Mais Pison était un pragmatique, et sa famille avait des
intérêts commerciaux de l’autre côté du Pô. Il était donc pour une extension du
droit de vote. Il gratifia même Cicéron d’une autorisation spéciale lui
permettant de circuler plus librement. Nous passâmes les saturnales au quartier
général de Pison, coincés par la neige, et je pus constater que le gouverneur
était de plus en plus charmé par l’esprit et la civilité de Cicéron, au point
qu’un soir, après avoir bu pas mal de vin, il lui assena une claque sur l’épaule
en assurant :
    — Cicéron, tu n’es pas un mauvais bougre en fin de
compte. Tu es bien plus respectable et meilleur patriote que je ne pensais.
Personnellement, je serais heureux de te voir consul. Dommage que cela ne
puisse pas se produire.
    — Et pourquoi en es-tu si sûr ? demanda Cicéron,
interloqué.
    — Parce que les aristocrates ne le permettront jamais
et qu’ils contrôlent trop de voix.
    — Il est vrai qu’ils ont une influence considérable,
concéda Cicéron, mais j’ai le soutien de Pompée.
    Pison éclata de rire.
    — Grand bien te fasse ! Il mène la grande vie à l’autre
bout du monde, et puis – tu n’as pas remarqué ? – il
ne lève jamais le petit doigt pour quelqu’un d’autre que lui-même. Tu sais qui
j’aurais à l’œil si j’étais toi ?
    — Catilina ?
    — Oui, lui aussi. Mais celui dont tu dois te préoccuper
avant tout est Antonius Hybrida.
    — Mais c’est un abruti !
    — Cicéron, tu me déçois. Depuis quand l’imbécillité
est-elle un frein à une carrière politique ? Tu peux me croire : c’est
autour d’Hybrida que les aristocrates vont se rassembler, et Catilina et toi n’aurez
plus qu’à vous battre pour la deuxième place. Et ne compte pas sur Pompée pour
t’aider.
    Cicéron sourit et feignit l’insouciance, mais la remarque de
Pison avait touché juste, et dès que la neige fondit, nous retournâmes à Rome
aussi vite que possible.
     
    Nous regagnâmes la cité à la mi-janvier et, au début, tout
sembla bien se passer. Cicéron reprit ses activités frénétiques d’avocat dans
les tribunaux romains, et son équipe de campagne se réunit à nouveau
quotidiennement sous la direction de Quintus, qui lui assurait qu’il était plus
soutenu que jamais. Il nous manquait le jeune Caelius, mais son absence fut
largement compensée par la présence du plus vieux et plus proche ami de
Cicéron, Atticus, qui revenait vivre à Rome après une vingtaine d’années
passées en Grèce.
    Il faut que je vous parle un peu d’Atticus, dont je n’ai
fait jusqu’à présent que sous-entendre l’importance dans la vie de Cicéron, et
qui allait y occuper une place prépondérante. Déjà riche, il venait d’hériter
une belle demeure sur le Quirinal ainsi que vingt millions de sesterces en
monnaie sonnante et trébuchante de son oncle, Quintus Caecilius, l’un des
prêteurs sur gages les plus détestés et misanthropes de Rome. Qu’Atticus fût le
seul à être resté en relativement bons termes avec ce vieillard repoussant
jusqu’à sa mort en dit d’ailleurs long sur sa personnalité. Certains auraient
pu le taxer d’opportunisme, mais, en raison de sa philosophie, Atticus s’était
en vérité fait un principe de ne jamais se brouiller avec personne. C’était

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