Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
Vom Netzwerk:
C’était un
après-midi doux et sans nuages, une de ces journées égarées, vestiges d’un été
déjà lointain. Pris d’une impulsion, Cicéron ordonna une halte pour que nous
puissions aller marcher sur la plage. Comme la mémoire est capricieuse :
alors que je n’arrive pas à me rappeler grand-chose des questions politiques
majeures, je me souviens parfaitement de chaque détail de cet interlude d’une
heure – l’odeur des algues et le goût des embruns salés sur mes
lèvres, la chaleur du soleil sur mes joues, le bruit des galets secoués par les
vagues et le sifflement de celles-ci en se retirant, et Cicéron en train de
rire alors qu’il essayait de me montrer comment Démosthène était censé avoir
amélioré son élocution en lui faisant répéter ses discours avec des cailloux
plein la bouche.
    Quelques jours plus tard, à Ariminum, nous prîmes la voie Émilienne
et virâmes vers l’ouest, nous éloignant de la mer pour pénétrer dans la
province de Gaule cisalpine. Là, nous sentîmes les premières morsures de l’hiver.
Les montagnes noires et violacées des Apennins se dressaient à pic sur notre
gauche tandis qu’à notre droite, le delta du Pô s’étendait, plat et gris jusqu’à
l’horizon. J’avais la curieuse sensation que nous n’étions que des insectes
rampant au pied d’un mur, sur le bord d’une salle immense. En Gaule cisalpine,
à l’époque, le droit au suffrage constituait le grand problème politique. Ceux
qui vivaient au sud du Pô avaient le droit de vote alors que ceux qui vivaient
au nord ne l’avaient pas. Le parti populaire, conduit par Pompée et César, se
déclarait en faveur d’étendre la citoyenneté au-delà du fleuve, jusqu’aux Alpes ;
les aristocrates, dont le porte-parole était Catulus, soupçonnaient un complot
destiné à diluer un peu plus leur pouvoir, et s’y opposaient. Cicéron,
naturellement, soutenait l’élargissement du droit de vote au plus grand nombre
possible, et c’était le fer de lance de sa campagne.
    On n’avait jamais vu de candidat à l’élection consulaire par
ici, aussi, dans chaque petite ville, des foules de plusieurs centaines de
personnes se rassemblaient-elles pour l’écouter. Cicéron les haranguait
généralement depuis l’arrière d’un chariot, et prononçait le même discours à
chaque étape, de sorte qu’au bout de quelque temps, je pouvais remuer les
lèvres en parfaite synchronie avec les siennes. Il dénonçait comme une
absurdité le fait qu’un homme qui vivait d’un côté d’un cours d’eau puisse être
romain tandis que son cousin, qui habitait de l’autre côté de ce cours d’eau,
était un barbare, alors qu’ils parlaient tous les deux latin.
    — Rome n’est pas qu’une question de géographie,
assurait-il. Rome n’est définie ni par des fleuves, ni par des montagnes ni
même par des mers ; Rome n’est pas une question de sang, de race ou de
religion ; Rome est un idéal. Rome est la plus haute incarnation de la
liberté et de la loi à laquelle l’homme ait pu parvenir dix mille ans après que
nos ancêtres furent descendus des montagnes et eurent appris à vivre en
communautés régies par des lois.
    Alors, si ses auditeurs avaient le droit de vote, il
concluait en leur disant qu’ils devaient l’utiliser pour le compte de ceux qui
ne l’avaient pas, car c’était là leur devoir civique, un don spécial, aussi
précieux que le secret du feu. Chacun devrait aller voir Rome avant de mourir.
Ils feraient mieux d’y aller dès cet été, quand les conditions de voyage
seraient plus faciles, et ils en profiteraient pour voter sur le Champ de Mars.
Et si on leur demandait pourquoi ils étaient venus d’aussi loin :
    — Vous pourrez leur répondre que c’est Marcus Cicéron
qui vous envoie.
    Il sautait alors au bas du chariot et passait parmi la foule
qui applaudissait encore pour distribuer des poignées de pois chiches prises
dans un sac tenu par un de ses intendants. Moi, je veillais à me trouver juste
derrière lui pour saisir ses instructions et noter des noms.
    J’appris beaucoup sur Cicéron durant cette campagne. En
fait, je dirais même que, malgré toutes les années que nous avions passées
ensemble, je n’ai fini par le connaître que dans ces petites villes au sud du
Pô – Faventia, disons, ou Claterna – alors que la faible
lumière de fin d’automne commençait à décliner et qu’un vent glacé soufflait
des montagnes, qu’on

Weitere Kostenlose Bücher