Imperium
Si tu étais découvert, je négocierais ta libération et
serais prêt à payer n’importe quel prix pour qu’il ne te soit fait aucun mal.
Il me prit les mains dans les siennes et les serra avec
cette sincérité qui lui était coutumière tout en plongeant son regard dans le
mien.
— Tu es davantage mon second frère que mon esclave,
Tiron, et c’est ainsi depuis que nous avons appris ensemble la philosophie à
Athènes il y a tant d’années – t’en souviens-tu ? J’aurais déjà
dû discuter de ta liberté avec toi, mais il semble qu’il y ait toujours eu de
nouveaux problèmes pour détourner mon attention. Alors je te dis maintenant,
avec Caelius comme témoin, que mon intention est de te donner ta liberté – oui,
et cette vie simple à la campagne que tu désires depuis si longtemps. Je vois
déjà le jour où je viendrai te voir dans ta petite ferme et m’assiérai dans ton
jardin pour que nous regardions le soleil descendre sur une oliveraie, ou une
vigne, lointaine et poussiéreuse, tout en passant en revue les grandes
aventures que nous avons connues ensemble.
Il lâcha mes mains, et sa vision champêtre vacilla encore un
instant dans l’air sombre et doux avant de s’évanouir.
— Maintenant, reprit-il brusquement, cette offre que je
te fais n’est nullement soumise à ta décision d’entreprendre ou non cette mission – que
ce soit bien clair : tu as déjà amplement mérité cet affranchissement. Et
je ne te donnerai jamais l’ordre de te mettre en danger. Tu connais ma position
plus que délicate ce soir. Tu dois faire ce que tu estimes être le mieux.
Ce sont ses paroles exactes : comment aurais-je pu les
oublier ?
XVII
La conférence était prévue pour la tombée de la nuit, ce qui
signifiait qu’il n’y avait pas de temps à perdre. Alors que le soleil
disparaissait derrière la crête de l’Esquilin et que je gravissais la côte du
mont Palatin pour la deuxième fois de la journée, j’eus la prémonition
inquiétante de foncer tête baissée dans un piège. Comment en effet pouvais-je – ou
Cicéron pouvait-il – être sûr que Caelius n’était pas passé dans le
camp de Crassus ? En fait, la notion même de loyauté n’était-elle pas
absurde appliquée aux centres d’intérêt et envies versatiles et éphémères qui
pouvaient saisir mon jeune compagnon ? Mais il n’y avait plus rien à y
faire. Caelius me conduisait déjà le long d’une petite allée vers l’arrière de
la maison de Crassus. Il écarta un épais rideau de lierre et découvrit une
petite porte en fer cloutée qui paraissait rouillée depuis longtemps. Un bon
coup d’épaule suffit pourtant à la faire ouvrir silencieusement, et nous
bondîmes dans une réserve vide.
Comme celle de Catilina, cette maison était très ancienne et
avait subi de nombreux ajouts au cours des siècles, de sorte que je me perdis
très vite tandis que nous suivions ses couloirs tortueux. Crassus était connu
pour posséder un très grand nombre d’esclaves hautement qualifiés – il
les louait parfois, à la façon d’une agence de placement – et, avec
une telle activité déployée autour de nous, il paraissait impossible que nous
puissions atteindre notre destination en passant inaperçus. Mais si Caelius
avait acquis un talent particulier durant son apprentissage juridique, c’était
bien pour les entrées et sorties clandestines. Nous coupâmes par une cour
intérieure, attendîmes dans une antichambre qu’une servante soit passée, puis
pénétrâmes dans une grande salle déserte tapissée de tentures de Babylone et de
Corinthe. Une vingtaine de chaises dorées avaient été disposées en demi-cercle,
au centre de la pièce, et un grand nombre de lampes et candélabres étaient
allumés tout autour. Caelius s’empara rapidement d’une des lampes, traversa la
pièce et souleva le bord d’une lourde tenture de laine représentant Diane en
train d’abattre un cerf d’un coup de lance. Juste derrière se trouvait une
alcôve, de celles qui abritent une statue, juste assez profonde et assez haute
pour qu’un homme puisse s’y tenir, avec un petit rebord en hauteur pour y poser
une lampe. Je me glissai rapidement à l’intérieur car j’entendais de sonores
voix masculines se rapprocher. Caelius posa un doigt sur ses lèvres, m’adressa
un clin d’œil puis remit soigneusement la tapisserie en place. Son pas rapide s’éloigna
et je me retrouvai seul.
Au début,
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