Indomptable
l’en-
tendre, Simon se tourna vers son frère.
— À présent, tous les paysans sauront ce qui se trouvait
dans les coffres qu’ils regardaient passer par les portes du
château, dit Simon d’un ton neutre.
— C’est une bonne chose que les vassaux sachent que
leur nouveau seigneur n’est pas pauvre au point de devoir
les tuer à la tâche pour pouvoir nourrir et armer convena-
blement ses chevaliers.
— Et les futures épouses ? demanda Simon. Est-ce éga-
lement une bonne chose qu’elles le sachent ?
— Particulièrement les futures épouses, dit Dominic
avec une âpre satisfaction. Je n’ai pas encore vu de femme
dont les yeux ne s’illuminent pas à la vue de bijoux en or.
— Toujours le stratège à l’œuvre.
Dominic sourit d’un air plutôt grave au souvenir de la
jeune femme aux yeux émeraude qui l’avait presque déjoué
dans la fauconnerie.
— Pas toujours, Simon. Mais j’apprends de mes erreurs.
50
c 4
Un vent piquant souffla à travers le mur d’enceinte, sou-
levant les jupes et les vestes courtes et faisant grimper
la fumée provenant des cuisines haut dans le ciel gris.
Même si Meg appréciait habituellement une vive brise de
printemps parfumée par l’apparition des premières plantes,
à cet instant, elle était trop énervée pour remarquer quoi
que ce soit à part le garde-chasse qui se tenait devant elle.
— Que voulez-vous dire par « il n’y aura pas de
venaison » ? demanda Meg, la voix inhabituellement aiguë.
Le garde-chasse regarda ailleurs et se tordit nerveuse-
ment les mains.
— Impensable, madame. Cela s’est tellement effondré
par endroits qu’un lièvre ne pourrait y bondir, encore moins
un cerf. Les biches… elles ont pris la fuite.
— Depuis combien de temps le parc aux cerfs est-il
dans un tel état ?
Regardant ses pieds, le garde-chasse marmonna quelque
chose.
— Parlez, dit-elle. Et regardez-moi quand vous parlez.
Meg prenait rarement un ton semblable avec les vassaux
du roi, cependant ils lui mentaient rarement.
Ce n’était pas le cas, à présent. Les mensonges du garde-
chasse étaient si gros qu’ils lui entravaient la gorge, tels des
os de poulet.
— Je… les vents… euh… dit-il.
ELIZABETH LOWELL
Ses yeux bleu pâle suppliaient Meg, provoquant en elle
une compassion forcée.
— Brave homme, qui vous a demandé de me mentir ?
demanda-t-elle gentiment.
Ses mains rendues rêches par les cordes d’arc, les pièges,
les couteaux à dépecer, imploraient silencieusement Meg de
faire preuve de bonté.
— Le propriétaire, chuchota finalement le garde-
chasse.
— Il est trop faible pour quitter son lit. Êtes-vous allé
dans sa chambre, dans ce cas, pour qu’il vous ordonne de
mentir à la maîtresse du château ?
Le garde-chasse secoua si vivement la tête que ses che-
veux gras se soulevèrent.
— Monsieur Duncan, maîtresse. Il me l’a dit.
Meg retrouva son calme.
— Qu’est-ce que Duncan vous a dit ?
— Pas de venaison pour le Normand.
— Je vois.
Elle voyait clairement.
Cela fit frissonner Meg. Elle avait été ravie de voir
Duncan rentrer de croisade, étant donné que son cousin
Rufus n’était pas intéressé par le maintien de la paix avec
Henri. Peu importe qu’elle aime peu l’idée d’être promise à
un chevalier normand inconnu, Meg aimait la perspective
de moins de sang versé. Le harcèlement incessant et les
attaques contre le roi d’Angleterre — et parmi les saxons
ambitieux alors que leurs chefs tout comme Duncan étaient
partis mener une sainte croisade — avaient épuisé les gens
du château de Blackthorne, ses champs, et l’espoir d’un
futur meilleur.
52
INDOMPTABLE
Les vassaux attribuaient leur mauvaise fortune à leur
seigneur ainsi qu’à la revanche d’une sorcière des Druides
de la Vallée offerte au mauvais homme. Meg reprochait les
champs dévastés à l’inattention de son père, un homme
obsédé par sa volonté d’arrêter l’avance des Anglais en
mariant sa fille à un comte nommé Duncan de Maxwell, le
Fléau Écossais.
« Ah, Duncan. Ne succombez pas aux ruses de mon
père. Elles mèneront à la peste et à la famine, à des prairies
ensanglantées et à une tombe prématurée. »
— Madame ?
La voix du garde-chasse était incertaine. La fille du sei-
gneur le regarda, le teint blême et les traits tirés, l’air bien
trop vieille, même pour une jeune femme célibataire de dix-
neuf
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