Interdit
souvenir de son
propre besoin dévorant, un désir plus grand que tout ce
qu’il avait jamais imaginé.
— Vous êtes un feu dans mon sang, dans ma chair, dans mon
âme. Si je vous touche encore, je vous prendrai.
— Alors touchez-moi.
— Ambre…
— Prenez-moi.
Et il l’avait fait, en dépit de tout.
— J’ai peur pour vous, pour moi, pour nous.
— Parce que je ne me souviens pas ?
— Non. Parce que vous pourriez vous souvenir.
Et cela aussi était arrivé.
« Si seulement je pouvais l’effacer de ma mémoire plus
complètement encore que mon passé ! »
Mais il ne le pouvait pas. Le souvenir d’Ambre était
comme un millier de torches en feu dans son esprit, dans
son corps, dans son âme.
Touchez-moi.
Prenez-moi.
Avec un cri étranglé, il lutta contre ses souvenirs incan-
descents aussi sauvagement qu’il l’avait autrefois fait contre
les ténèbres.
En vain. Duncan restait un homme déchiré par des
besoins contradictoires. Une partie de lui, celle qui était
dominée par la rage, espérait qu’Ambre prendrait les
hommes armés qu’il lui avait envoyés et qu’elle fuirait à Sea
Home ou Winterlance.
Et une autre partie de lui craignait qu’elle le fasse.
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INTERDIT
Car si elle fuyait, il n’entendrait jamais plus son rire,
jamais plus il ne la surprendrait en train de le regarder
de ses yeux de feu, jamais plus il ne sentirait son corps céder
sensuellement alors qu’il plongeait en elle.
— Monsieur ?
On avait chuchoté le mot dans son dos. Il se retourna si
vivement qu’Egbert sursauta, sur le qui-vive.
— Qu’y a-t-il ?
— Trois chevaliers et une dame approchent du château
à cheval. Ils ont quelques bagages avec eux.
— Seulement une dame ?
Sa voix et ses yeux étaient un avertissement abrupt de
son humeur. Egbert avala sa salive et recula.
— Oui, dit nerveusement l’écuyer.
— Ambre ?
— Je n’ai reconnu ni la dame ni les chevaliers.
Duncan grimaça. La colère et la douleur s’affrontaient
en lui. Sans qu’il y ait de vainqueur. Il était incapable de
parler.
Il tourna le dos à Egbert et regarda la route par la porte
ouverte du château. Des chevaux approchaient effective-
ment. L’un d’eux était Shield, son propre étalon, entraîné à
la bataille. Sa selle était vide : Duncan portait sa longue
épée à la taille.
— Monsieur ? souffla Egbert.
— Retourne à ton poste.
L’écuyer hésita, puis il fit demi-tour et partit au galop. Il
se demandait ce qui avait bien pu causer l’expression de
Duncan, aussi sinistre qu’une sculpture infernale.
Immobile, Duncan regarda Dominic arriver au petit
galop au château, sa femme Druide de la Vallée à ses côtés.
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ELIZABETH LOWELL
— Avez-vous rencontré quelque difficulté ? demanda
Dominic.
Il secoua la tête.
— Pour un homme qui vient de sécuriser son propre
château sans effusion de sang, vous avez l’air bien grave, dit
Dominic en mettant pied à terre.
— Ce n’est pas mon château, monsieur. C’est le vôtre.
— Plus maintenant. Je vous donne dès à présent le châ-
teau de Stone Ring entièrement, sans bail et sans entraves.
Vous êtes le seigneur de ces lieux, Duncan, pas mon loca-
taire en chef.
Un sourire aux lèvres, Dominic observa Duncan alors
qu’il comprenait ce que cela impliquait. Né bâtard, sans
nom, sans propriété, sans autre espoir que son bras puis-
sant et l’ambition ardente d’avoir ses propres terres… Et
désormais, il possédait ces terres.
Dominic comprenait les émotions complexes qui explo-
saient en Duncan, car lui aussi était né bâtard sans autre
espoir que son talent à manier une épée.
Et lui aussi avait gagné richesses et terres grâce à ce
talent.
— Mon propre château, dit étrangement Duncan.
Il regarda autour de lui, comme si c’était la première fois
qu’il voyait Stone Ring. En un sens, c’était vrai. Il ne l’avait
jamais vu comme sa propriété.
— Cela semble presque irréel, dit-il doucement. Être un
homme sans nom et passer à cela en un jour…
Le rêve d’une vie entière s’était réalisé. C’était aussi pal-
pable que les pavés sous ses pieds, le poids de son épée à sa
taille, l’odeur de la nourriture dans la cour…
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INTERDIT
Le château de Stone Ring lui appartenait. Il était à lui et
à lui seul. Le château, toutes ses terres et ses gens lui appar-
tenaient, tant qu’il pourrait les défendre à la pointe
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