Jack Nicholson

encouragé, mais au bout du compte écarté par un gros bonnet – peut-être Lee Strasberg en personne. « La personne qui m’a évalué ne savait pas si je jouais la comédie ou si j’étais vraiment comme ça », s’est souvenu Nicholson au cours d’une interview xxvii .
    Pour Hell’s Angels on Wheels, Rush avait besoin de quelqu’un qui jouerait le jeune gentil mais « compliqué » de la classe moyenne qu’on surnommait « Poet » et qui rejoignait les motards et se laissait embarquer dans leurs divertissements destructeurs. Nicholson était d’accord pour jouer le rôle et le moment était bien choisi – car l’acteur avait besoin d’argent pour financer son divorce et ses ambitions d’ auteur .
    Le rôle tout aussi important du leader de la bande de motards fut confié à l’un des acteurs préférés de Rush, le bien baraqué Adam Roarke. Roarke et Nicholson furent envoyés dans un motel d’Oakland pour faire la connaissance de l’élite des motards de l’organisation. Tous deux étaient habillés de façon correcte, portant une jolie chemise et un beau pantalon. Aussi marginaux qu’ils se croyaient tous deux être, ils restaient très innocents comparés aux Hell’s Angels.
    Quand ils arrivèrent dans la chambre du motel, le légendaire leader des Angels, Sonny Barger, était allongé sur le lit, les pieds en l’air, avec ses bottes et sa tenue de cérémonie – cuir noir, clous et swastikas – en train de regarder la télé. L’un de ses émissaires, vautré à côté de lui, lui passa un joint. Leurs motos étaient garées dans la chambre.
    D’un air sceptique, les Angels levèrent les yeux vers les deux types tranquilles qui ressemblaient à des acteurs de Hollywood. « T’en veux un coup ? » demanda Barger. Roarke hésita, n’ayant pas la moindre idée de ce que cela pouvait vouloir dire, mais Nicholson répondit ouais, d’accord. Nicholson n’avait lui non plus rien compris, mais il était connu pour la jouer cool.
    Jack accepta le joint qu’on lui présenta et tira une bouffée. Mais avant même qu’il n’ait pu savourer le goût, Sonny sauta du lit et lui asséna un coup de poing dans l’estomac. Nicholson toussa, s’étouffa avec la fumée. C’était bien cela, un coup. « On a tout de suite compris qu’ils n’avaient pas le même sens de l’humour que nous », commente Roarke.
    Barger apprécia le sympathique culot de Nicholson. Le jeune et mince acteur avait la capacité de changer d’apparence tel un caméléon, de se fondre dans le décor, de se mêler aux Angels comme s’il faisait réellement partie de la bande. « Tous les gens qui le rencontraient pensaient que Jack était membre d’une autre branche, se souvient Barger. Il y avait beaucoup de gens qui, quand ils nous rencontraient, restaient distants. Mais pas Jack. Je trouvais pour ma part son comportement très approprié. »
    Le scénario de Hell’s Angels on Wheels avait été écrit par Robert Campbell, un vétéran d’ AIP qui avait fini son travail avant le tournage et n’avait jamais rencontré le réalisateur. Les Angels avaient un vague droit de veto sur le script, mais ils étaient trop satisfaits du contrat pour y prêter attention (ils étaient bien payés et étaient tout excités à l’idée de conduire leurs motos face à la caméra dans les scènes qui se déroulaient sur la route).
    Rush, le réalisateur, pouvait faire ce qu’il voulait du script de Campbell. Quoi qu’il en fût, Rush était célèbre pour le comportement souvent intense et imprévisible qu’il adoptait sur les plateaux. Passionné par l’image, il laissait souvent ses acteurs se débrouiller tout seuls, préférant expérimenter de nouveaux styles visuels. Parfois, ses acteurs s’en sortaient très bien, mais parfois non. Ceci étant, les films de Rush étaient pourvus d’une énergie et d’une immédiateté visuelles qui faisaient souvent défaut aux autres films à petit budget.
    Hell’s Angels on Wheels se révéla être un film important pour Jack, surtout parce qu’il y jouait un personnage proche de lui-même – de son moi secret, du suiveur sensible, de la personne qu’il avait été avant Hollywood, durant son adolescence dans le New Jersey.
    Le doux Poet est présenté comme étant en porte-à-faux avec le sexe facile et la violence gratuite des Angels. Jack est touchant dans ses scènes, en particulier lorsqu’il tente maladroitement sa chance avec Sabrina Scharf, actrice