Jack Nicholson
(qui se fit ici appeler Leslie Kouvacs) reste le meilleur point de ce film maladroit réalisé par un metteur en scène novice.
Cependant, l’intérêt de Moto Driver réside aussi dans les scènes où apparaissent Dern et Nicholson, à visionner par curiosité. La rivalité qui oppose les deux acteurs est palpable, leurs disputes presque incontrôlées, tout comme cela semblait être le cas à la ville.
Nicholson continuait de dire à certains de ses amis qu’il espérait devenir un jour une star du cinéma. Il disait à d’autres qu’il avait pour projet de devenir réalisateur. Peut-être ne savait-il pas vraiment lui-même. Ou peut-être était-il en train de faire l’une de ses spécialités : dire aux gens ce qu’ils avaient envie d’entendre. Ou peut-être encore pensait-il qu’il pourrait un jour être les deux à la fois, devenir le nouvel Orson Welles.
L’occasion semblait en tout cas se présenter avec Drive, He Said. Drive, premier roman de Jeremy Larner, avait été écrit en 1961 et publié en 1964. Sa ligne narrative apocalyptique mêlait atterrissage lunaire, bourbier de l’engagement américain au Viêt Nam, basketball et radicalisme universitaire. Le livre avait reçu quelques éloges, qui restaient néanmoins assez marginaux, un critique faisant à juste titre remarquer, en 1964, qu’il n’y avait ni campus en feu ni grands sportifs mécontents.
Fred Roos avait lu Drive et voulait en faire un film. Au cours de l’été 1967, Larner donna à Roos, qui était toujours directeur de casting, la permission de tenter d’adapter le roman à l’écran. Immédiatement, du fait du « style irrévérent, des trucs des sixties, du basket », d’après les mots de Roos lui-même, le directeur de casting pensa à Nicholson, avec qui il se mit en contact. Jack, qui n’avait pas de travail, accepta d’écrire le script pour une somme dérisoire.
En décembre 1967, le romancier new-yorkais vint à Los Angeles dans le but d’écrire un portrait d’ O.J. Simpson pour le Saturday Evening Post. Il rencontra Roos et Nicholson. Roos était d’un calme désarmant, mais Jack semblait enflammé par « leur génération », qui était en train de changer la société. Le film Drive, He Said, dit Jack à Larner, contribuerait à donner le ton de la mise en scène du futur cinéma américain.
Cette année-là, O.J. disputait le Rose Bowl pour le coach John McKay et l’Université de Californie du Sud. Les deux hommes étant tous deux de grands fans de football américain, Larner invita Nicholson à venir s’asseoir avec lui dans le carré presse du Rose Bowl le 1 er janvier et à observer le Juice amener son équipe à battre l’Indiana 14 à 7.
Le match ne leur laissa, certes, pas beaucoup de temps pour parler du script. Mais Larner fut néanmoins surpris que Jack ne semblât pas particulièrement s’intéresser aux raisons qui l’avaient poussé à écrire ce livre, ou à son expérience dans l’équipe de basket-ball de son lycée, ou à toute autre chose qu’il pouvait lui dire. En revanche, Jack lui fit part de ses opinions indiscutables concernant le sport. Larner fut très surpris. Il écrivait tout de même pour un magazine sportif national.
De toute façon, Jack n’aimait pas les discussions concernant les scénarios. Pendant les conférences sur les scripts, il avait tendance à s’énerver et à formuler ses opinions en hurlant. Il préférait généralement rencontrer les scénaristes et réalisateurs de façon non officielle, ou bien s’asseoir avec eux devant la télévision pour regarder un match tout en murmurant du bout des lèvres quelques idées sur le script. (Plus tard, Nicholson serait parfaitement à l’aise avec de vénérables réalisateurs, tels que John Huston, qui donnaient leurs points de vue sur la coiffure, le maquillage et les costumes, mais laissaient la comédie aux comédiens. Quand Nicholson partit une semaine à Puerto Vallarta pour discuter de L’honneur des Prizzi avec Huston, lui et le grand homme passèrent la plupart de leur temps à regarder les matchs de boxe olympiques à la télé.)
Au Rose Bowl, Nicholson expliqua à Larner que la plupart des films sur le sport étaient « nuls ». Il s’agissait à cette époque de l’un des mots préférés de Jack. Les réalisateurs de style hollywoodien étaient des nuls par excellence. Sa sensibilité, assura-t-il à Larner, ne permettrait pas que l’on tourne un film nul sur le
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