Jack Nicholson
de suite qu’il avait pris la mauvaise décision. On lui ordonna de couper ses longs cheveux à la mode. Les costumiers rejetèrent ses idées – dont les chaussures de golf marron et blanc qu’il avait choisies, identiques à celles que portait John J. Nicholson – et ils l’obligèrent à arborer des pulls et des chemises boutonnées jusqu’au cou. Il y avait peu de mouvement dans ses scènes : Tad Pringle était appuyé contre une fenêtre ou posait à côté de plantes en pot. Nicholson attendait des conseils utiles de la part de Minnelli, mais il n’en recevait aucun.
Il se couchait tous les soirs malheureux.
Alors que Melinda se terminait, à la fin du mois de février 1969, les acteurs, les techniciens, les familles des cinéastes et quelques amis triés sur le volet se rassemblèrent pour assister à la première projection d’ Easy Rider .
Les remarques concernant le jeu de Jack avaient déjà été nombreuses dans la salle de montage, et leur caractère positif ne fit que se confirmer lorsqu’elles émanèrent de ce petit groupe de spectateurs partisans. Les gens eurent l’impression que l’acteur crevait l’écran comme jamais auparavant, sa personnalité apparaissant aussi radieuse, expressive et irrésistible qu’elle l’était dans les fêtes, les cafés et les échanges personnels. Pour la première fois, Jack faisait impression et volait la vedette à des acteurs plus connus que lui : Fonda et Hopper.
Melinda avait été une dure épreuve (au bout du compte, le rôle de Tad Pringle fut considérablement réduit, et la chanson de Jack coupée). Mais le goût de Jack pour la comédie fut renforcé par les réactions de la communauté de ses pairs concernant Easy Rider.
Il appela ses vieux amis pour leur dire que le film de Dennis Hopper allait faire de lui une grande star. Mieux les gens le connaissaient, plus ils se montrèrent sceptiques à l’égard de ce coup de téléphone. Cela faisait tellement de temps que Jack était dans le milieu. Ses amis l’avaient déjà entendu plusieurs fois tenir ce type de discours. Ils pensaient que Jack n’évoluerait pas. Ils l’avaient vu dans trop de films semblables à Easy Rider. Et Jack n’avait-il pas dit à beaucoup de gens qu’il ne s’intéressait plus à la comédie et qu’il souhaitait devenir réalisateur ?
Partout où Jack allait, on pouvait être sûr de trouver Mimi Machu.
Richard Rush vit Nicholson peu de temps avant qu’il ne parte présenter Easy Rider au Festival de Cannes, au printemps 1969. Il fit une remarque désobligeante en comparant le fait d’amener sa petite amie à Cannes à celui de porter de l’eau à la rivière. Oh non, répondit Jack d’une voix douce, amener Machu à Cannes, c’est comme amener du caviar à une soirée raffinée.
Cannes fut comme un retour au foyer. C’était la première fois que Nicholson revenait en France depuis l’été 1966, et il y avait ici beaucoup de ses amis et de ses contemporains qui avaient des films en compétition. Pierre Cottrell était venu en qualité de producteur du premier des Six contes moraux d’Éric Rohmer, Ma nuit chez Maud, et en qualité de coproducteur de More de Barbet Schroeder, film dont la bande originale avait été composée par les Pink Floyd.
À Cannes, on parlait déjà d’ Easy Rider . Les gens l’imaginaient comme le chef-d’œuvre de Roger Corman. Bien plus que Nicholson, Fonda et Hopper étaient précédés par leur légende, et en étaient parfaitement conscients.
« C’était 1969, peut-on lire dans une histoire de Cannes. L’année précédente, le Festival avait été annulé suite à des grèves nationales, et un vent de révolution flottait toujours dans l’air. Dennis Hopper, Peter Fonda et Nicholson ne suscitèrent qu’une petite agitation lorsqu’ils arpentèrent le tapis rouge et montèrent les marches du Palais pour la projection d’ Easy Rider en uniformes de soldats sudistes. » Bien plus tard, Nicholson déclara qu’il s’était senti privilégié d’avoir été présent à ce moment précis, celui de la première mondiale d’ Easy Rider à Cannes, celui où il prit conscience qu’il avait finalement réussi : qu’il était devenu une star.
« On aurait dit que pour le public, à Cannes, le film avançait en bringuebalant », a commenté Nicholson au cours d’une interview. « Mais quand mon personnage est apparu à l’écran, j’ai senti qu’il décollait dans l’esprit des spectateurs,
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