Jack Nicholson
cédé à Antonioni est l’une des choses les plus courageuses que Jack ait jamais faites. Les comédiens et les techniciens passèrent par plusieurs lieux de tournage à Londres, Barcelone, Munich, et en Afrique du Nord. Dans le Sahara, notamment, l’équipe travailla dans des conditions extrêmement pénibles. Au cours de cet été 1973, au sein de l’industrie du cinéma, peu de gens savaient que Profession : Reporter était en train d’être tourné – dans le plus grand secret possible. Antonioni était hostile à toute forme de publicité. Jack faisait d’hilarantes imitations d’Antonioni, reproduisant les moments où il lui faisait jurer de garder le silence.
On pourrait écrire plusieurs livres, ou un livre épais comme un annuaire téléphonique, sur le seul film Chinatown, mélange de fiction et de faits grouillant de noms et de relations complexes, un livre retraçant l’histoire de la production en la mêlant aux mystérieux parallèles qui se produisirent en coulisses.
Chinatown tire son origine d’une humeur mélancolique et nostalgique. Robert Towne aimait dire que l’idée lui était venue « comme ça ». Cet écologiste natif de Los Angeles marchait un jour sur les contreforts des monts Santa Monica quand l’odeur de la sauge et de l’eucalyptus lui donna d’envie écrire une histoire policière sur la corruption de la terre par les promoteurs immobiliers et les barons voleurs. Non pas une énigme tournant autour de la disparition de la statue d’un oiseau noir, mais autour des crimes de la vraie vie, une énigme inspirée par l’histoire de Los Angeles.
À Eugene, dans l’Oregon, où il était obligé de rester pour le tournage de Drive, He Said au cours du printemps 1970, Towne emprunta dans une bibliothèque un livre de Carey McWilliams qui détaillait l’histoire de l’exploitation du pétrole et de l’eau en Californie du Sud. Towne décida de baser un personnage clé de son histoire sur l’un des premiers ingénieurs des eaux de Los Angeles, William Mulholland – homme qui a donné son nom à la longue et étroite route bordée de luxueuses villas qui serpente au-dessus de la ville de Los Angeles.
Un reportage photo intitulé « Raymond Chandler’s L.A. » et publié dans le magazine New West servit également de pilier à Towne dans la mesure où il lui rappela qu’il était toujours possible de « préserver la plus grande partie du passé de la ville à l’écran ». En quête d’inspiration, le scénariste fit le tour de la ville en voiture, en passant par Silver Lake, Echo Park, en redescendant vers le Temple et en s’arrêtant à Union Station. De vieilles cartes postales servirent également à faire renaître « les images et les sons de l’enfance ».
En écrivant, Towne chercha délibérément à imiter le ton des romans noirs de ses maîtres, Raymond Chandler et Dashiell Hammett, qu’il adorait pour leur vision très large de l’histoire et leur maîtrise du genre policier. « Hammett, bien sûr, a eu une influence majeure sur le degré de réalité que j’ai cherché à introduire », a déclaré Towne au cours d’une interview. « J’ai lu toutes ses œuvres, ainsi que toutes celles de Chandler, qui m’ont aussi beaucoup influencé. J’ai vraiment été fasciné par les descriptions qu’a faites Raymond Chandler de L.A. Elles m’ont laissé un sentiment de deuil. Sa prose est vraiment incroyable. Il réussit à rendre cette époque tellement réelle. On a ce vague sentiment lyrique d’une ville dans laquelle il se passe des choses horribles. »
Dans le script de Towne, William Mulholland devint Noah Cross, un personnage qui avait une fille, Evelyn Mulwray, avec qui il entretenait une relation incestueuse. Au départ, Towne se concentra sur l’aspect innovant que constituait l’inceste, mais cet angle n’enflammait pas son imagination, et il tourna donc son attention vers le héros détective. Ce serait un personnage archétypique, dépourvu de tout aspect glamour, un type qui faisait un travail banal pour des divorces.
Le privé devint J.J. (« Jake ») Gittes. Jake était l’un des surnoms que Towne donnait à Nicholson ; Gittes faisait référence à leur ami commun, Harry Gittes. Towne adorait ce nom et trouvait qu’il y avait un peu de Gittes dans le personnage qu’il était en train d’inventer, notamment dans son côté « Monsieur je sais tout » et dans son amusant scepticisme, même si, bien sûr,
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