Jack Nicholson

bétail. Il y avait un justicier et une bande de voleurs de chevaux, mais pas vraiment de premier rôle. Le héros était le groupe – la bande de hors-la-loi. McGuane concevait Missouri Breaks comme un film élégiaque à la distribution d’ensemble traitant de la fin d’une époque.
    Ce fut Kastner qui eut l’idée de piéger Brando et Nicholson. Brando n’était au départ pas très intéressé. Il pensait que ce western serait une pierre de plus sur la tombe des Indiens, et ce bien qu’il n’y eût pas un seul Indien dans le script de McGuane. Nicholson, qui s’apprêtait à faire une pause avant de mettre en scène son second film – un western, également –, déclina lui aussi la proposition.
    Cependant, chacun était tenté de donner la réplique à l’autre, et Kastner entreprit de chercher à convaincre les deux acteurs, en présentant le réalisateur Arthur Penn comme un argument supplémentaire. Penn avait guidé Brando dans le sous-estimé La Poursuite impitoyable en 1965. Nicholson admirait Penn, et son admiration pour Brando, un monument vivant pour tous les acteurs, ne s’était jamais tarie.
    Quelle était la part d’intention délibérée dans le fait que Nicholson, avant d’acheter sa première maison, ait attendu qu’une propriété se libère dans la résidence de Marlon Brando ? Les deux acteurs passaient tous deux par la même entrée, un portail électrique situé au bout d’une longue allée privée. « Je pense que Nicholson le voyait ( Missouri Breaks ) un peu comme un mano a mano avec l’autre grand homme de la colline », dit McGuane.
    Brando, quant à lui, était intrigué par Nicholson, le petit nouveau qui raflait tous les éloges et toutes les récompenses. Jack finit par accepter d’interpréter le personnage de Tom Logan, le leader des malchanceux voleurs de chevaux, à condition que Brando joue le rôle de Robert E. Lee Clayton, le justicier embauché pour exterminer la bande.
    Mais sur le moment, personne ne parla des problèmes soulevés par ce casting de stars, qui mettait en péril un script modeste. Tout d’abord, les deux vedettes n’avaient aucune scène savoureuse ensemble. Par ailleurs, aucun des trois principaux intéressés n’était satisfait du dénouement de McGuane. Le script « avait un air d’inachèvement, d’après le réalisateur Penn, qui prévalait toujours quand le film fut terminé, et qui dans un sens, nous a poussés à faire certains des choix que nous avons faits ».
    On avait cependant investi plus de temps et d’énergie dans la rédaction des contrats que dans les révisions du script. Personne ne travailla sérieusement sur le film avant que les contrats ne soient terminés. Et ce travail, du fait de la vanité et de la stature des deux stars, était si complexe et délicat qu’il ne fut achevé que six semaines avant le début du tournage.
    Brando finit par accepter en échange d’un million de dollars pour cinq semaines de travail et 10 % sur le chiffre d’affaires lorsque celui-ci aurait dépassé la barre des 10 millions de dollars. Nicholson, le « junior de l’alliance », d’après les mots d’un journaliste du Los Angeles Times, toucherait son plus gros cachet jusqu’alors – 1,5 million de dollars pour deux fois plus de travail, soit dix semaines, ainsi que 10 % sur le chiffre d’affaires au-delà de 12,5 millions de dollars.
    Une fois les contrats des deux stars signés, toutes sortes de problèmes urgents devaient être réglés : repérer les lieux de tournage, achever le casting et choisir les techniciens essentiels, les costumes et les décors. Si l’on en croit Penn, les négociations avaient consommé tellement de temps que l’on dut transformer le décor principal de l’un de ses premiers westerns, Little Big Man, dont certaines scènes avaient également été tournées dans le Montana, afin de le réutiliser pour Missouri Breaks.
    Mais le tout premier jour du tournage, quelques petites erreurs furent trouvées dans le contrat de Brando, et l’acteur refusa de se mettre au travail avant que le problème ne soit réglé. Des « gros bonnets » de New York et de Los Angeles prirent des avions pour Billings, dans le Montana, ville près de laquelle se déroulait le tournage, et passèrent la plupart de leur journée à corriger les dernières erreurs. Brando, Nicholson, Penn et d’autres acteurs et techniciens tuèrent le temps en jouant au touch football.
    Nous étions en juin