Jack Nicholson

1975, c’est-à-dire juste après le tournage de Vol au-dessus d’un nid de coucou. Missouri Breaks était censé être un jeu d’enfant pour Jack, après les efforts qu’avait requis son dernier film. Brando et Nicholson n’étaient pas amis, mais ils se connaissaient de vue et semblaient éprouver un certain respect mutuel. La pression était importante, quand le tournage débuta, mais il y avait également de la bonne volonté et de grands esprits.
    Brando, intimidant dans l’abstrait, était charmant en chair et en os (surtout en chair, d’ailleurs – il avait pris beaucoup de poids, était « énormément gras et presque méconnaissable », d’après le New York Times). L’acteur semblait ravi de tourner en plein air, et établit d’ailleurs son campement près du lieu de tournage. Il logeait dans un camping-car avec son fils Christian alors que les autres membres de l’équipe résidaient dans la toute proche ville de Billings.
    Jack fit lui aussi preuve de bonne humeur sur le plateau – au moins au départ. Les westerns, grands moments d’évasion pour les acteurs, étaient dans son esprit associés à son enfance. Son amour pour l’histoire et le mythe de la frontière était sincère, et il avait un faible pour les westerns classiques de réalisateurs tels que Budd Boetticher, Anthony Mann, Howard Hawks et John Ford.
    « Je me rappelle du jour où j’ai pris ses mesures pour son costume », raconte Lynn Bernay, qui était la costumière du film. « C’était grandiose de le regarder. Il fixait son reflet dans le miroir. Il a mis une ceinture porte-revolvers et y a accroché deux armes. Je lui avais trouvé un chapeau, un fabuleux chapeau noir de western. Il a dit : "J’adore ce chapeau." Et au moment même où il a mis son chapeau, il est devenu ce personnage de western. »
    Après avoir exprimé ses inquiétudes au réalisateur, Penn, à propos du « célèbre sourire Nicholson », l’acteur décida de teinter ses dents en marron jaunâtre. Les dents de fumeur étaient pour lui un élément important du personnage. Et l’idée de mettre un bandana rouge autour de son cou et de porter un costume un peu moins excentrique que la robe et le bonnet que Brando avait choisi de porter dans l’une des scènes était également de lui.
    « J’ai été vraiment très étonné de l’aisance avec laquelle Jack conduisait les chevaux », se souvient Penn. « Il avait un sens du visuel et un feeling (pour les westerns) très justes. Il y a une forme d’authenticité chez Jack qui est vraiment ancrée dans la terre. Il a une façon de s’installer qui est vraiment authentique et sincère. Il a un œil merveilleusement aiguisé pour les détails. Il ramasse tout ce qu’il peut et il l’absorbe. Il y avait des fois où on avait du mal à distinguer Jack des vieux cowboys qui se trouvaient sur le plateau. »
    Nicholson aidait les acteurs secondaires. D’après Penn, « il connaissait tous les acteurs, qui étaient tous copains avec lui. C’étaient des gens qui ressemblaient à Nicholson quinze ans plus tôt, disposés à se faire connaître ».
    Harry Dean Stanton était le seul survivant des projets originels de McGuane (étant l’un des meilleurs amis de Nicholson, il avait été choisi pour incarner le meilleur ami de Tom Logan). Le reste de la bande était également constitué d’amis de Nicholson : Frederic Forrest, John Ryan et Randy Quaid. Luana Anders s’était vu confier un petit rôle. Autre rescapée du passé de Jack, elle était aussi là pour augmenter son degré de confort.
    Le premier rôle féminin serait inévitablement éclipsé par les deux grandes stars. Mais il fallait bien quelqu’un pour incarner la jeune fille du propriétaire du ranch. L’actrice qui jouerait ce rôle devait procurer un interlude romantique au personnage de Nicholson.
    Comme à leur habitude, ils passèrent beaucoup de temps à auditionner de nouveaux visages, et ils finirent par embaucher une inconnue pour ce premier rôle féminin – Kathleen Lloyd. Quinze ans plus tard, Penn et McGuane ont tous deux beaucoup de mal à se souvenir de son nom (sa carrière a été sans intérêt après Missouri Breaks). Bien qu’elle eût fait une excellente lecture le jour de l’audition, Lloyd, comme bien d’autres choses de Missouri Breaks, déçut les espoirs qu’on avait placés en elle.
    Brando adorait parler de ce qu’il pourrait faire dans les scènes pour les pimenter, alors que