Jack Nicholson
proche de celui du personnage franc et direct qu’elle incarnait. Sa personnalité irritait Jack. Leurs scènes furent ratées.
Dans l’une d’entre elles, inhabituellement tendre, Jack faisait l’amour à Lloyd. « Je ne l’apprécie même pas, dit-il en privé à ses amis. Moi-même, je ne l’aurais jamais baisée. Alors comment est-ce que je pourrais lui faire l’amour dans un film ? » Cette plainte n’était pas sans rappeler celle qu’il avait émise avant sa première audition, vingt ans auparavant. Il adorait les scènes de sexe, mais pas nécessairement les scènes d’amour.
Mais il n’y avait plus de temps, plus de moyens, plus d’excuses pour effacer le personnage de Kathleen Lloyd du script. Et dans les scènes romantiques, il semblait une fois de plus impossible que Tom Logan aille au bout des choses.
Une fois Brando parti (Brando s’était de toute façon principalement préoccupé de son propre rôle), il revint à Penn et à Nicholson de diagnostiquer les trous de l’histoire. McGuane, occupé à Londres par le montage et la mise en musique de 92 in the Shade, avait été écarté du projet depuis longtemps. L’idée que, dans le Montana, on soit en train de piétiner son script rendait McGuane anxieux.
Depuis le départ, Penn et Nicholson s’étaient accordés à dire que la fin ne leur convenait pas. Nicholson pensait qu’il était possible de fondre sa crise de colère brevetée et un dénouement plus approprié en une seule et même scène. Il réussit à convaincre Robert Towne de venir dans le Montana pour les aider à achever le script sur une séquence « follement illogique » (d’après McGuane) de fusillade, qui arrivait presque comme une réflexion après coup dans le film.
Le dénouement originel était une confrontation entre Tom Logan et le justicier, qui arrivait après une sorte de jeu du chat et de la souris. Au final, Logan réussissait à coincer furtivement le personnage de Brando et à lui trancher la gorge alors qu’il était assoupi, ce qui tendait quelque peu à s’opposer à l’idée de tension dramatique. Ce passage figure bien dans le film.
Mais Towne, Penn et Nicholson ajoutèrent quelques artifices. Quand Logan retourne au ranch pour affronter le propriétaire (joué par John McLiam), il découvre son ennemi juré, assis, muet et estropié, dans un fauteuil roulant (ce qui n’est pas sans rappeler le père dans Cinq pièces faciles). Encore une fois incapable d’aller au bout des choses, Tom Logan se retourne. Tout à coup (et de façon assez incongru pour ce personnage, à ce moment-là de l’histoire), le cowboy sort une arme de sous une couverture. Des balles fusent et le propriétaire est tué, ce qui donne une raison de plus à Tom Logan de ne pas s’éloigner sur son cheval dans le soleil couchant.
McGuane détesta le changement d’orientation de la fin, qu’il reprocha à Nicholson. « La façon dont le script a été changé en mal n’a pas été gérée de façon correcte et honnête, dit-il. Je ne ferais jamais cela à un autre artiste. »
Il est évident que Brando s’amusa plus que Jack sur le tournage de Missouri Breaks. Il déclara : « Pauvre vieux Jack. Il courait partout pour essayer de faire marcher tous les rouages de la machine, alors que moi, je voletais de-ci de-là comme une luciole », des propos qui furent largement repris par la presse.
Mais quoi qu’il en fût, Jack se montra courtois. Il s’inclina devant le comportement qu’adopta Brando à la fin de leur collaboration. Le « numero uno », dont le contrat avait dicté le programme de tournage problématique, manifesta sa joie en restant dans les parages jusqu’à la fin de la photographie et organisa la traditionnelle fête de fin de tournage en réglant la note de sa poche.
Les critiques s’attendaient à un choc des titans. Ils se retrouvèrent avec un western complètement fou qui, bien qu’il eût quelques splendeurs, ne tenait pas vraiment debout. Les scènes avec Brando et Nicholson deviendraient cultes ; de même que celles de la bande – en particulier celle où Jack et Harry Dean Stanton fumaient et ruminaient stoïquement sur leur sort.
Mais Missouri Breaks fut une déception. Après un long développement, on avait l’impression qu’on n’était pas allé au bout des choses. Le magazine Mad publia un dessin parodique qui semblait bien définir les attentes démesurées qu’avait fait naître le film : Nicholson,
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