Jack Nicholson

Toluca Lake. Après avoir poursuivi l’automobiliste jusqu’à un feu rouge, Nicholson aurait sauté de son véhicule, aurait sorti un fer 2 de son coffre et aurait bourré de coups la Mercedes avec le club de golf en carbone. Les charges d’agression et de vandalisme qui pesaient contre l’acteur furent abandonnées en échange d’un arrangement financier. Plus tard, lors d’interviews, Jack expliqua qu’il n’était « pas lui-même » ce jour-là car il était encore sous le choc de la nouvelle de la mort soudaine de Harold Schneider, l’un des vieux membres de la bande de BBS , le frère cadet de Bert.
    Nicholson aurait tout aussi bien pu se défendre en disant qu’il était « habité par le personnage » qu’il était en train de jouer dans The Crossing Guard, ou Crossing Guard, écrit et réalisé par Sean Penn. À l’époque de l’histoire du club de golf, Jack était en effet au beau milieu du tournage du drame tendu de Penn traitant d’un père en colère mû par l’angoisse, qui cherchait à se venger du conducteur ivre qui avait tué sa fille et qui venait d’être libéré de prison.
    Penn était un ajout récent au cercle de Jack. Les deux hommes s’étaient rencontrés pour la première fois à l’une des soirées rollers bourrées de stars qu’organisait Helena Kallianiotes dans la vallée de San Fernando à la fin des années 1970 et au début des années 1980. « C’était une sorte de Studio 54 pour personnes chaussées de rollers avec des spots et une boule à facettes au-dessus de la piste de rollers, s’est souvenu Penn. À la soirée, il y avait Jack Nicholson, Ringo Starr, Ed Begley Jr, Harry Dean Stanton, Leonard Cohen et sa femme, celle de "Suzanne", et tout un tas de stars du cinéma. »
    Produit de Hollywood, fils d’un réalisateur de télévision qui avait à une époque été « blacklisté », star méfiante vis-à-vis de la célébrité, Penn menait une vie chaotique, qui s’était notamment traduite par un bref mariage avec Madonna, des heurts avec la police et même un court séjour en prison. L’intensité survoltée que Penn affichait à l’écran n’était pas sans évoquer celle de Nicholson dans Cinq pièces faciles et Ironweed. Quand la carrière du jeune acteur avait pris son essor après son interprétation d’un surfeur allumé dans Ça chauffe au lycée Ridgemont en 1982, il s’était mis à demander régulièrement conseil à Mr Hollywood, qui était assez vieux pour être son père (Penn avait d’ailleurs appelé son premier fils, dont la mère était sa seconde femme, l’actrice Robin Wright Penn, Hopper Jack, en hommage à Dennis Hopper et Jack Nicholson dans Easy Rider). « Je traîne souvent avec Sean, avait un jour déclaré Jack. Nos deux esthétiques sont similaires. J’aime son instinct, son intelligence, sa poésie. »
    Penn avait écrit et réalisé son premier film, The Indian Runner, un long métrage sinistre au budget dérisoire, en 1991. Nicholson s’était engagé à jouer dans la deuxième mise en scène de Penn après le tournage de Wolf. Bien que Crossing Guard, tout comme le premier film de Penn, fut censé être dans le vieil esprit BBS , le budget grimpa du fait de « la complexité du contrat de Jack », d’après les mots de Penn, « et ce malgré sa volonté de faciliter les choses ». Le réalisateur ajoutait : « Il y a un studio qui a voulu essayer de profiter des choses en tirant des leçons de tout cela : "Oh, Jack s’est engagé à jouer dans un petit film, alors on pourra sûrement réduire son cachet dans le futur." Et ça ne convenait pas du tout à Jack. Jack ne voulait que ce qui était juste, et pour Jack, ce qui était juste, c’était beaucoup d’argent, à cause de ce que ce film signifiait dans sa filmographie, etc. »
    Les 11 millions de dollars nécessaires au financement de Crossing Guard furent finalement fournis par Miramax, la plus importante société de production indépendante de Hollywood. Mais le film en lui-même n’eut aucun ornement, aucuns effets spéciaux ; c’était la vitrine d’un acteur anticonformiste mise en scène par un autre anticonformiste. « C’était un peu comme si je travaillais sans personne distincte, sans première personne, expliqua Nicholson. Parce qu’il n’y avait pas vraiment de personnage derrière lequel se cacher, pour ainsi dire. Pas de maquillage, pas de costume, pas de coiffure, pas d’accessoires, pas d’accent, pas de