Jack Nicholson
voix, rien. Juste l’émotion. Le script ne fait que quatre-vingt-dix pages, et c’est l’une des premières choses qui m’a plu – pas parce que je n’aime pas parler, mais parce que je savais que ce serait un cadre. »
Jack avait pourtant une partenaire étonnante : Anjelica Huston, qui jouait l’ex-femme de son personnage, désormais remariée. Anjelica, la fille de John Huston, qui avait remporté un Oscar pour sa prestation dans L’Honneur des Prizzi et qui avait été la compagne intermittente de Jack entre 1973 et 1989, avait épousé le sculpteur Robert Graham en 1992 et écarté Jack de sa vie privée. Penn avait eu l’idée de réunir Jack et Anjelica à l’écran, et tous deux avaient accepté. « J’ai trouvé que c’était une idée audacieuse, expliqua Huston au cours d’une interview, et que Sean était une personne à qui je pouvais faire confiance pour son développement. Par ailleurs, mon personnage – et celui de Jack – avait assez de vitriol pour que ce soit faisable et intéressant. C’était un personnage passionné – une femme qui avait été abandonnée par sa fille et son mari. Et je connaissais bien cela, sur plusieurs niveaux. Alors, je me suis dit : Ouais, pourquoi pas. »
On choisit pour chef opérateur Vilmos Zsigmond, qui avait déjà travaillé sur plusieurs films de Nicholson – le dernier en date étant The Two Jakes – et le tournage de Crossing Guard, qui débuta en janvier 1994, se fit dans de véritables clubs de strip-tease et associations de Mothers Against Drunk Driving ( MADD ), ainsi que d’autres lieux de la vie réelle. Comme c’était la première rencontre de Jack et d’Anjelica à l’écran depuis L’Honneur des Prizzi et comme la femme du réalisateur faisait également partie de la distribution – la relation de couple de Penn semblait teintée de fiction –, le plateau fut fermé à la presse. En mars 1994, un autre désastreux évènement se produisit : la fille de June Nicholson, Pamela Hawley, 48 ans, fut assassinée dans une ville du comté d’El Dorado appelée Georgetown, dans le nord-est de la Californie. Les liens familiaux de Nicholson et de Hawley furent rendus publics suite à des rapports de police et des articles de journaux. Pendant des années, Nicholson avait discrètement donné de l’argent à sa demi-sœur perturbée. Jusqu’au bout, l’acteur avait essayé de se montrer généreux et protecteur, jouant le rôle de l’« Oncle Jack ».
Il y eut une note plus positive en mars, quand Jack se vit récompenser du prestigieux Life Achievement Award de l’American Film Institute ( AFI ). Il rejoignit ainsi la longue liste de légendes du cinéma qui avaient depuis longtemps cessé de travailler lorsqu’elles avaient été récompensées par l’AFI, une liste qui comprenait notamment John Ford, James Cagney, Orson Welles, Bette Davis, Alfred Hitchcock, Fred Astaire et Lillian Gish. L’ AFI allait rendre hommage au plus jeune de tous les cinéastes qu’elle eût jamais récompensés, un comédien encore actif qui, bien qu’il approchât de l’âge de 60 ans, générait toujours d’énormes profits. La cérémonie fut filmée et diffusée sur une chaîne nationale ; c’était la première fois que Nicholson dominait une émission de télévision.
Avec ses éternelles Ray-Ban, Nicholson entra dans le Beverly Hilton Hotel au son de Born to Be Wild, chanson de la bande originale d’ Easy Rider . Les téléspectateurs purent observer un Jack manifestement très à l’aise assis à une table et entouré de l’étincelante troupe des actrices auxquelles il avait donné la réplique, notamment Shelley Duvall, Cher, Mary Steenburgen, Louise Fletcher, Ellen Barkin, Kathleen Turner, Candice Bergen, Faye Dunaway, Madeleine Stowe et Shirley MacLaine. Dennis Hopper, Peter Fonda, Warren Beatty et quelques autres anciens membres du Jack Pack montèrent sur scène pour taquiner Jack et chanter ses louanges. Harry Dean Stanton et Art Garfunkel chantèrent quant à eux au sens propre une version dédiée à Jack de Dream des Everly Brothers.
Jack finit par monter à son tour sur la scène, resplendissant et tremblant d’émotion. Il distingua sa « sœur-tante » Lorraine des invités célèbres et identifia Rebecca Broussard, qui se trouvait également à sa table, comme « la mère de certains de ses enfants ». « J’adore mon travail, s’exclama-t-il. C’est un travail dangereux. Je suis fier de
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