Jack Nicholson

presse – qu’il était flatté et ravi. Il invita quelques personnes de Playgirl dans la suite qu’il occupait temporairement dans un hôtel de Beverly Hills, où il dédicaça quelques couvertures, dont l’une trône encore fièrement sur l’un des murs de mon salon. Son comportement vis-à-vis de son image – et plus généralement, vis-à-vis de ses fans et de l’ensemble du public – a toujours été très subtil.
    « Comment est Jack ? » Question très amusante si l’on considère qu’elle concerne une personnalité qui semble parfois surexposée dans les médias, mais qui m’a été fréquemment posée alors que j’avançais dans mon travail, comme si les gens pensaient se faire une fausse idée de Jack et se demandaient – un cliché – quels secrets pouvaient bien cacher les lunettes noires. Et cette question m’a été posée non seulement par des chauffeurs de taxi et des serveuses rencontrés par hasard, mais aussi par ses propres amis qui semblaient chercher à contrôler la « lecture » que je faisais de cet homme en posant sur elle un regard parfois méfiant ; non seulement par des Américains, mais aussi par des gens que j’ai croisés alors que je travaillais sur cet ouvrage dans des pays étrangers, en particulier en Angleterre et en France.
    Après des débuts difficiles et la percée miraculeuse d’Easy Rider, sa carrière a été l’une des plus intelligemment calculées de l’histoire de Hollywood. Mais personne ne s’y intéresserait plus que cela si sa vie n’était pas similaire, par certains aspects, aux rôles qu’il a incarné. Jack est fascinant, séduisant, plus « populaire » que les personnalités moins publiques et plus effacées que sont ses pairs Dustin Hoffman et Robert De Niro.
    Jack a-t-il coopéré à la rédaction de cet ouvrage ? Mon éditeur a lui aussi voulu connaître la réponse à cette question. Ma première intuition s’est révélée être juste : Jack n’avait aucune bonne raison de coopérer. Comme les lecteurs de ce livre le savent déjà, Jack s’est aussi fait connaître pour ses talents d’auteur, bien qu’il ait avec le temps développé une sorte d’angoisse de la page blanche. Peut-être pourrait-il écrire un jour sa propre autobiographie, s’il en a envie. Cependant, l’histoire de sa vie est une histoire complexe, pas facile à coucher sur le papier. Et Jack a toujours fait clairement comprendre qu’il préférait dissimuler, plutôt que révéler, certains aspects significatifs de sa vie.
    Jack a-t-il cherché activement à empêcher la rédaction de cet ouvrage ? Je lui ai écrit pour l’informer, directement, que j’étais sur le point d’écrire sa biographie. Au vu de son étonnante mémoire, je pensais qu’il se souviendrait de moi et de mon travail et qu’il saurait qu’il pourrait me faire confiance pour porter un point de vue compatissant sur sa vie. J’ignore s’il a lu ma lettre ; il ne m’en a jamais parlé directement. Mais quoi qu’il en soit, j’avais compris, dès le départ, que Jack était au sommet d’une montagne extrêmement élevée et n’avait que vaguement conscience de nous, autres alpinistes, qui nous trouvions en dessous.
    Je n’avais pas vraiment envie de l’interviewer. Si je posais les premières questions que j’avais envie de poser pour n’importe quelle biographie, il s’en irait en claquant la porte – ou me sauterait à la gorge. Une biographie autorisée est souvent une biographie aseptisée, et je m’intéresse généralement davantage à ce dont les gens ne veulent pas parler – à leurs secrets. Quand j’écrivais la biographie du réalisateur de la MGM George Cukor, l’une de mes sources m’a demandé quelles limites je comptais me mettre à moi-même avant de débuter l’interview. Je ne pouvais probablement pas m’intéresser à ce qui se passait derrière les portes de la chambre de Cukor, me dit-elle. Je lui répondis qu’il fallait qu’elle me dise ce qui se passait derrière les portes de la chambre de Cukor pour que je lui dise si cela m’intéressait ou pas. Je ne peux nier le fait que les habitudes privées des gens m’intéressent – la religion, la politique, le style de vie, les tics et les manies, et aussi le sexe, car la vie sexuelle des gens se révèle parfois être une carte de leur esprit. Si cet ouvrage sur Jack Nicholson ouvre les portes des chambres, c’est parce que Jack Nicholson l’a lui-même fait au cours