Jack Nicholson
d’accomplir une tâche physique quelconque – afin de leur apprendre à faire des choses pour elles-mêmes et à les faire de façon crédible. Et tandis qu’ils accomplissaient cette tâche physique, il leur disait de chanter une chanson de Gershwin ou de réciter un monologue d’Arthur Miller. Le but était d’apprendre aux étudiants à ne pas compliquer les rôles avec des « tourments psychologiques » en attirant leur attention sur le fait que les mensonges physiques génèrent des mensonges psychologiques.
Il demandait parfois aussi aux étudiants de se concentrer sur l’une des reproductions d’œuvres d’art célèbres qui se trouvaient sur les murs de la classe, ou bien de s’identifier à un meuble ancien, et de développer leur interprétation du personnage à partir d’impulsions nées d’associations libres.
Corey avait inventé un exercice qui consistait à extraire une scène d’une pièce connue et à demander aux membres de la classe de la recréer dans un contexte différent. Un texte classique pouvait ainsi être réinterprété comme une scène de vente de drogue. C’était un moyen d’apprendre aux acteurs – et aux futurs scénaristes – à ne pas envisager les scènes de façon trop émotionnelle, en fonçant tête baissée, et à considérer leur contenu avec davantage de subtilité.
« Autrement dit, explique le scénariste Robert Towne, qui suivait les cours de Corey avec Nicholson à cette époque, la situation qu’il nous donnait était complètement opposée au texte, et ce que les acteurs devaient faire, via leur interprétation des différentes actions, c’était de suggérer la véritable situation à l’aide de répliques qui n’avaient aucun sens dans le contexte. »
Les improvisations de Jack sur ce type de scènes eurent une influence majeure sur l’écriture de Towne. « Ses improvisations étaient très imaginatives. Quand on lui donnait une situation, il ne cherchait pas à improviser au pif. Il parlait indirectement du problème. Et bien écrire, c’est la même chose. Prenez une situation très banale – un type qui essaie de séduire une fille. Il parle de tout sauf de séduction – de tout et de n’importe quoi, du canard en plastique qu’il avait quand il était petit aux plats qui se trouvent sur la table, ou autre. Mais on comprend que le but de tout cela, c’est de se faire la fille. C’est imaginatif, et c’est quelque chose qu’il faut prendre en compte quand on écrit. »
Corey avait appris son métier de comédien auprès du légendaire Roman « Bud » Bohnen du Group Theater et de Jules Dassin, acteur de théâtre yiddish qui était devenu réalisateur (Jamais le dimanche). Le comédien d’origine russe Michael Tchekhov faisait également partie de ses mentors. Corey ne cherchait pas à encourager ses acteurs à jouer des scènes tirées de films ; il leur conseillait de choisir le meilleur matériau possible, des pièces bien établies. Sa bible était l’œuvre de Constantin Stanislavski, et ses étudiants étaient exhortés à lire La formation de l’acteur, ouvrage du célèbre comédien et metteur en scène du Théâtre d’art de Moscou.
Mais Corey ne se reposait pas uniquement sur Stanislavski et ne cherchait pas à mécaniser la Méthode. Il prônait l’improvisation et l’enjouement. Faites des choix bizarres, conseillait-il à ses étudiants. Soyez imprévisibles. Riez là où n’importe qui aurait pensé « larmes » et interrompez-vous par une rage soudaine et inexpliquée.
Sa théorie de base, d’après Nicholson, était : « Vous avez au moins 75 % de choses en commun avec le personnage que vous jouez, qu’il s’agisse d’Hitler ou de Peter Pan. Ce que vous devez trouver, c’est les 25 % de différence ; c’est pour eux que vous jouez la comédie. L’autre partie, vous pouvez l’oublier ; elle est déjà là. Vous auriez beau essayer, vous ne pourriez jamais la perdre. »
Et surtout, insistait Corel, ne cherchez pas à vous cacher. Ne cherchez pas à imiter quelqu’un d’autre. Essayez de vous découvrir dans le rôle. Soyez vous-même. Prenez la tête de votre propre académie.
C’était une philosophie parfaite pour une génération qui était avide de découverte de soi.
Certains se souviennent de Nicholson comme la star 1957-1958 des cours de Corey (« Pour moi, dit le réalisateur-producteur Roger Corman, même quand Jack était un parfait inconnu, il était le
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