Jack Nicholson

meilleur étudiant de sa classe »), mais les réflexions de ce type sont toujours faciles après coup. La plupart des gens affirment qu’à cette époque, Jack était brut et rigide, extrêmement sympathique, mais encore inexpérimenté – beaucoup trop inexpérimenté – dans son métier d’acteur.
    « À cette époque, j’étais dévoré par la passion », a déclaré Nicholson au cours d’une interview. « Mais rien de tout cela n’était visible de l’extérieur. Je cherchais à le masquer derrière, vous savez, des comportements feints. »
    Jack excellait dans certains domaines – tels l’« abandonnement », l’équivalent dans l’art de la comédie de l’accès de colère, le fait de repousser toutes les limites émotionnelles pour atteindre un stade plus profond. C’était une chose inhabituelle et rare chez les débutants. L’« abandonnement » est un état particulièrement difficile à atteindre, même pour le plus aguerri des acteurs ; il faut réussir à perdre le contrôle de soi. Plus la barre était placée haut, plus l’élan était violent, et plus Jack semblait prendre confiance en lui et gagner en pouvoir. C’était une qualité qu’il affinerait avec le temps et exploiterait dans certaines de ses œuvres les meilleures et les plus mémorables.
    À cette époque, Corey s’interrogeait sur l’avenir de Nicholson. « Au fond, j’ai toujours pensé qu’il y avait une part de Jack qui était triste – pas noire ou lugubre, non, une bonne tristesse, pleine de vibrations. Je ne pense pas que la tristesse soit nécessairement une mauvaise chose. Électre est née du deuil. »
    La plupart du temps, quand il faisait des exercices ou jouait des scènes, Jack avait l’air presque timide. Corey n’était pas sûr d’aimer « la qualité physiquement pesante de sa voix » qui accompagnait sa diction lente, presque somnolente.
    D’ailleurs, Corey envisagea d’exclure Nicholson de ses cours. Un jour, le professeur de comédie fit un tour de pâté de maisons avec le jeune homme pour le prier de mettre un peu plus d’enthousiasme et d’énergie dans son travail.
    Il écrivit une note dans son dossier : « Jack Nicholson. A besoin de poésie, de passion. Se gâche ; anxieux ; doit s’enthousiasmer davantage. Futile, puéril, a besoin de maturité dans sa capacité à se sentir concerné ; n’affrontera pas sa peur de jouer la comédie avec maturité. Discuter d’une possible fin – relever la barre ou partir. »
    Le renvoi était une mesure extrême que Corey ne prenait qu’occasionnellement, lorsqu’il estimait qu’il ne valait mieux pas donner de faux espoirs. Ceci étant, aujourd’hui, le professeur de comédie dit qu’un tel geste de sa part pouvait être tout simplement tactique – qu’il pouvait utiliser cette menace dans le seul but de mettre la pression à un jeune.
    « Cela ne signifiait pas que je pensais qu’il ne pourrait jamais apprendre à jouer, insiste Corey. J’essayais peut-être juste de le pousser un peu à agir. »
    « Je me souviens de lui comme d’un garçon très agréable. Il avait 20 ans et il travaillait au service courrier de la MGM . Il y avait en lui une qualité ouvrière belle et saine. Ce n’était pas un garçon riche. Il était dans le gros de la troupe. J’aimais cette qualité. Mais il ne me serait jamais venu à l’esprit de regarder l’un ou l’autre des jeunes et de dire : « Celui-là, il va faire une grande carrière. »
    « Jack prétend qu’un jour, je lui ai dit : "Il faut que tu mettes davantage de poésie dans ton travail." Et il m’aurait répondu : "Mais peut-être que le problème, Jeff, c’est que tu ne vois pas la poésie que je mets dans mon travail." J’ai lu ça dans un article du Time Magazine. C’est un joli mot d’esprit, mais je ne me souviens pas avoir eu cette conversation. »
    « C’était peut-être une conversation qui était liée à un exercice spécifique – un travail sur les poèmes d’Edgar Lee Masters dans Spoon River.  »
    « Je me posais toujours des questions sur la façon de parler de Jack, sur le fait qu’on entendait toujours le graillonnement de son larynx. C’est devenu la marque de son attitude décontractée et il a su en faire bon usage. »
    Bien sûr, Jack ne fut pas exclu des cours de Corey. D’ailleurs, durant les dix années qui suivirent, il devint un habitué des cours de ce type, recherchant l’essence de la comédie,