Jack Nicholson

qu’il ressemblait un peu à Henry Fonda. »
    « Il était mince, relate Edd Byrnes. On était tous minces ! Il avait une espèce d’accent. Tout ce dont je me souviens, c’est qu’il avait le plus beau sourire que j’ai jamais vu. »
    Si aucun directeur de casting ne venait lui taper dans le dos, Jack se faisait facilement des amis. Et ses amis le présentaient à ceux qui ouvrent les portes.
    Le programme télé dont tout le monde parlait était Matinee Theater, diffusé en couleurs sur NBC et présenté par John Conte. Cette émission, qui était née sur la côte ouest, proposait aux téléspectateurs des pièces de théâtre filmées en direct, et passait à la télévision tous les après-midi depuis plus d’un an. Les critiques comparaient sa portée et sa qualité ambitieuses à celles d’un théâtre de répertoire national. Le producteur Albert McCleery réussissait à rassembler tous les jours un public de 7 millions de téléspectateurs devant des versions classiques de Shaw, Wilde, Ibsen, Poe, Shakespeare, Henry James, Huxley, Steinbeck et James Barrie condensées sur une heure.
    Angie Dickinson, Fay Spain et Will Hutchins faisaient partie des quelques acteurs de l’émission qui apportaient assez de nouveauté pour être remarqués. Dean Stockwell, jeune comédien ténébreux qui avait pris une courte retraite après sa carrière d’enfant star, avait revitalisé sa réputation grâce à plusieurs apparitions dans Matinee Theater.
    Matinee Theater proposait une telle quantité de pièces que les acteurs n’avaient même pas besoin d’agent pour faire partie de l’émission. Un coup de téléphone au directeur de casting, et on obtenait un rendez-vous le jeudi après-midi pour passer une audition.
    À l’instar du Players Ring, l’émission ne disposait que d’un minuscule budget. L’accent était mis sur le script et sur la performance. Les accessoires et les costumes étaient utilitaires ; le décor était épuré, la toile de fond étant généralement constituée d’un rideau de velours noir. Les caméras étaient minutieusement disposées dans le but de cerner la scène ; il y avait beaucoup de gros plans et de plans en amorce.
    La première apparition nationale de Jack à la télévision se produisit le 3 septembre 1956, dans une émission intitulée Are You Listening ? avec Conrad Janis dans le rôle d’un trompettiste Dixieland suivant les traces de son père en devenant un virtuose du jazz (des années plus tard, le visage de Janis deviendrait familier pour les téléspectateurs américains quand l’acteur endosserait le rôle du père de Mindy dans la série à succès Mork and Mindy). Le rôle de Jack, celui de l’un des fils du musicien, était discret. Son nom apparaissait en huitième sur les neuf comédiens crédités.
    Fait qui allait devenir caractéristique de sa carrière à la télévision, le rôle confié à Jack était si peu important, et la production si rapide, que l’acteur ne marqua pas les esprits – pas même ceux de ses partenaires à la scène. Interrogé à ce sujet, Janis a peine à se rappeler que Nicholson faisait partie des acteurs ; il se souvient mieux des matchs de base-ball qu’il a disputés avec lui, quelques années plus tard, dans l’une des ligues du show-business qui ont proliféré à Los Angeles et au nord et à l’est de la vallée de San Fernando.
    De Matinee Theater, on passait facilement à une autre émission filmée à Los Angeles qui faisait régulièrement tourner de jeunes inconnus – Divorce Court. Ce programme était conçu pour concurrencer ceux, plus intellectuels, de Kraft and U.S. Steel, le mercredi soir. C’était un prime-time au concept provocateur : le producteur lui-même ne connaissait pas avec certitude l’issue des divorces.
    Chacun des deux comédiens devait composer avec trois ensembles de contraintes. Le premier ensemble correspondait à des caractéristiques du personnage. Le deuxième, à des « mensonges » que les comédiens devaient faire passer pour des vérités. Le troisième était constitué de secrets qu’ils devaient tenter de dissimuler jusqu’à la confrontation finale. Il fallait prendre une mine réjouie lorsque l’on gagnait, un air abattu lorsque l’on perdait. C’était un excellent exercice d’improvisation.
    Nicholson joua plusieurs fois les maris volages dans Divorce Court. « J’étais le co-défendeur le plus impudent de la ville », se vanta-t-il au cours