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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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l’hypothèse de l’existence de tels univers n’est nullement en conflit avec nos connaissances présentes en physique. En fait, cette hypothèse semble émerger tout naturellement des théories de l’astrophysique contemporaine. Dans le cadre de ces théories, des événements de courte durée, aux tout premiers instants de l’Univers, les épisodes inflationnaires, auraient déterminé la forme des lois de la physique dans notre monde. Or il n’y a aucune raison a priori pour que cela se passe de la même façon dans chaque univers. Cette indétermination primordiale introduit un élément de contingence et d’aléatoire dans la forme des lois dans chaque univers. D’où la possibilité de lois différentes et donc d’évolution différente dans chaque cas.
    Cette argumentation est reprise aujourd’hui dans le cadre de la théorie des supercordes – un essai très ambitieux d’intégrer toutes les interactions physiques en uneformulation complète (voir Brian Greene, L’Univers élégant , Laffont, 2000). Cette théorie prévoit elle aussi la possibilité d’une multitude d’univers possédant des constantes physiques différentes.
    Deux points faibles pèsent sur cette argumentation. D’abord, malgré des années d’efforts intenses, la théorie des supercordes n’a jamais fait ses preuves et demeure, pour l’instant, hautement spéculative (voir Lee Smolin, The Trouble With Physics , Houghton Mifflin, Penguin Books, 2006). En second, nous n’avons jusqu’ici aucune preuve de l’existence de tels univers. Cette hypothèse est fondée sur des arguments purement théoriques et n’est appuyée par aucune observation.
    Mais cette objection est-elle si forte ? Les exemples historiques d’objets de la physique dont l’existence fut proposée à partir d’arguments théoriques et qui furent découverts après coup ne manquent pas. Les neutrinos et les trous noirs sont les cas les plus connus. D’autres objets, cependant, manquent encore à l’appel comme les « bosons de Higgs » (dans le cadre de l’unification électrofaible) et les tachyons (particules qui se déplacent plus vite que la lumière). Les bosons de Higgs seront vraisemblablement détectés dans un futur prochain. Les tachyons : personne ne sait…
    Cependant, peu de physiciens se risqueraient à affirmer que tous les objets « permis » par les lois de la physique devraient nécessairement exister dans la nature.

    Une pirouette astucieuse pour éviter un malaise ?
    En peu de mots, l’hypothèse « multivers » évite le spectre de la transcendance en supposant, à partir d’une théorie encore spéculative, l’existence de sextillions d’univers non observés. Avons-nous vraiment gagné au change ? Personnellement, je ne peux adhérer à une interprétation quin’est fondée sur aucune observation, ni directe, ni indirecte. Le métier de scientifique m’a appris à rester au niveau des faits, à me méfier des théories « à la mode », surtout si elles touchent, de près ou de loin, à des contextes métaphysiques…
    À diverses occasions, j’ai pu discuter de ces considérations avec mes collègues scientifiques. J’ai tenté d’obtenir leurs réactions personnelles face au principe anthropique.
    La gamme des réponses est étonnamment variée. À une extrémité, on trouve une acceptation enthousiaste du principe anthropique dans sa version forte, généralement et prévisiblement chez les scientifiques à tendance religieuse. Rappelons que, il y a quelques années, au Vatican, le chanoine Georges Lemaître avait mis le pape Pie XII en garde contre une interprétation trop simpliste de la théorie du Big Bang dans un cadre créationniste.
    À l’autre extrémité de la gamme, on rencontre un rejet méprisant du principe anthropique, même dans sa forme faible. Il s’agirait là, selon ces auteurs, d’un énoncé vide, tautologique et complètement dénué d’intérêt. Ces opposants, souvent à la limite de l’irritation, se situent généralement chez les philosophes matérialistes, mais aussi, curieusement, chez des croyants fermement attachés à leurs convictions religieuses. « La religion est une question de foi ; nous n’avons pas besoin de la science pour croire. »
    À mon avis, cette large diversité de réactions chez des scientifiques compétents illustre la composante majeure de la sensibilité personnelle. Les idées ont du « goût ». Il importe de reconnaître la

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