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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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part de subjectivité dans le choix des opinions et des options sur des domaines qui ne sont pas dépourvus d’implications métaphysiques. La lucidité consiste à se demander pourquoi on préfère telle interprétation à telle autre. Et à ne pas se laisser influencer par sa sensibilité. Mieux vaut laisser des questions ouvertes aussi longtemps que des réponses convaincantes n’ont pasété énoncées (peut-être jamais…). Comme, par exemple, la réponse darwinienne qui a mis fin aux interprétations transcendantales des énigmes biologiques à la fin du XIX e  siècle.
    Peut-être le scénario multivers est-il l’interprétation correcte du principe anthropique. Peut-être pas. Il faudra, pour devenir acceptable, qu’il fasse ses preuves autrement que par des arguments douteux basés sur une théorie encore spéculative. Autrement, il risque de n’être qu’une pirouette astucieuse pour calmer le malaise que provoquent les coïncidences astrophysiques.
    Nous devons garder présente à l’esprit la possibilité que l’interprétation des coïncidences qui ont donné naissance à ce principe nous ouvre la voie vers des territoires inconnus. Une réponse insatisfaisante pourrait simplement masquer l’entrée dans de tels territoires. Quel dommage ! Quel gaspillage pour tant d’observations obtenues avec tant d’efforts.
    « Il y a beaucoup plus de choses dans le monde que dans toutes vos philosophies », écrivait Shakespeare. Nous ne devrions négliger aucune chance de les découvrir.

Chapitre 36
    « Graceful exit »
    E n regardant de très anciennes photos de festivités, en observant les sourires, les yeux brillants, les lèvres fredonnant sans doute des chansons joyeuses, il m’arrive de penser qu’aujourd’hui tous ces gens sont morts… Leurs ossements reposent en divers cimetières. Leurs noms sont gravés sur les pierres tombales, accompagnés de deux fois quatre chiffres : l’année de leur naissance et celle de leur mort.
    La mort est pour chacun de nous une certitude absolue, une échéance plus ou moins lointaine, inéluctable. Mais, précédant le décès, il y a la période suprêmement redoutable des derniers moments. Ils sont parfois longuement prolongés. J’aime lire les biographies des personnes, artistes ou scientifiques, qui ont marqué leur temps. Autant les faits marquants, les épisodes glorieux de leur vie et de leur carrière sont racontés avec enthousiasme, autant l’ultime étape est généralement plus ou moins passée sous silence. « Il (ou elle) s’éteignit paisiblement entouré(e) de l’affection de ses proches. » Pourtant, la réalité est parfois bien différente. Les exemples sont nombreux : Maria Callas, en proie à une profonde dépression, s’enferme muette dans son appartement parisien. Baudelaire, colérique et aphasique, s’abîme dans l’absinthe, proférant des jurons.
    Dans la Tétralogie de Wagner, Brunehilde, la Walkyrie, annonce à Siegmund qu’il mourra au combat avant la fin du jour et qu’il n’est déjà plus de ce monde. La personne àqui on révèle sa fin prochaine (cancer foudroyant par exemple) vit en direct « l’intrusion du tragique dans la réalité quotidienne ». Son comportement devient alors un message à tous ceux qu’il aime et qui l’aiment. Ses réactions, son combat, son attitude, influenceront leur propre appréhension de la mort, réduiront ou multiplieront leurs angoisses. Nombreux sont ceux qui, face à la déchéance physique ou morale qu’ils sentent s’installer, choisissent de mettre fin à leurs jours. Un ami me disait : « Il ne faut pas se suicider : ça fait trop de mal et de dommages durables à ceux qui restent. » Il se pendit pourtant quelques jours plus tard. Ses enfants ne s’en sont jamais vraiment remis. Le suicide est généralement ressenti par les proches comme un abandon, une main qui se retire. (On doit cependant comprendre que des vagues de désespoir puissent submerger une personne et l’entraîner à sa perte.)
    J’admire infiniment la sérénité de Françoise Dolto mourante. « Graceful exit » , ces mots qui décrivent la sortie réussie d’une ballerine, s’appliquent bien à elle. À ceux que sa mort prochaine plongeait dans la tristesse, elle disait : « La mort est une chose normale ; c’est un événement lié à la vie. »

Chapitre 37
    Bilan
    A u cours de ma carrière scientifique, même si je n’ai pas réalisé mon rêve d’enfance de

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