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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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connaissance depuis la terrasse familiale de Bellevue et que je me plaisais à retrouver dans le ciel à chaque occasion propice, ainsi que les étoiles de Wolf-Rayet que j’avais observées au télescope lors de mon séjour à l’observatoire de Harvard (voir l’encadré p. 130).
    J’avais de fréquents contacts avec mon directeur de thèse. Nous allions skier ensemble et nos discussions se poursuivaient à la cafétéria jusqu’à la tombée de la nuit. La rapidité de sa réflexion me stupéfiait : il refaisait en quelques minutes le chemin que j’avais mis des heures à parcourir. J’étais à la fois admiratif et envieux. Par moments, il me déprimait.

    George Gamow et la cosmologie
    Nous avions souvent comme enseignant George Gamow. Né en Russie et émigré aux États-Unis, Gamow est un des plus brillants génies de notre époque. Ses multiples contributions touchent à un grand nombre de domaines de la physique contemporaine : la formation des étoiles, la physique atomique, la radioactivité, la nucléosynthèse et, surtout, la cosmologie. Doué d’un sens intuitif étonnant, il savait démêler les situations les plus complexes sans (pres-que) jamais se tromper. Une sorte de géant qui se courbait pour entrer dans les ascenseurs. Il parsemait ses cours de blagues plus ou moins drôles qui le faisaient partir dans de grands éclats de rire sonores, à la russe. Les étudiants attendaient patiemment que cette hilarité retentissante retombe pour recevoir la suite de l’enseignement…
    Il nous parlait de la cosmologie et c’est par lui que j’aientendu pour la première fois parler du Big Bang. Tout part d’une série d’observations effectuées par l’astronome Edwin Hubble entre 1920 et 1930. Ses résultats montraient que toutes les galaxies s’éloignent de la nôtre. Et d’une façon assez étonnante : plus elles en sont loin, plus elles s’éloignent rapidement, dans une sorte de grand mouvement d’ensemble qu’on a nommé « expansion de l’Univers ».
    En associant cette découverte à la théorie qu’Einstein avait formulée quelques années auparavant, Georges Lemaître avait élaboré, vers 1930, la « théorie de l’atome primitif », qui deviendra plus tard celle du Big Bang.
    Que dit-elle ? D’abord que l’Univers n’a pas toujours existé : il a un âge. Ensuite, qu’aux premiers instants, il était extrêmement dense, chaud et lumineux. Depuis ce début incandescent, il se refroidit, se raréfie et s’obscurcit au fur et à mesure de l’expansion.
    Ajoutons que, pendant ces années-là (1940-1950), cette théorie n’avait pas la cote chez les physiciens. Nombre d’entre eux se montraient peu enclins à adopter ce scénario aux allures mythologiques. Il faut reconnaître que les évidences observationnelles en sa faveur étaient peu nombreuses et qu’un certain scepticisme était justifié.

    La création continue, une fausse piste
    Une autre théorie cosmologique jouissait alors d’un grand crédit : celle de « l’Univers stationnaire » ou de la « création continue », formulée par Thomas Gold (un habitué de notre département de physique), Herman Bondi et Fred Hoyle. Ici, pas de Big Bang, pas de chaleur intense, pas de début : le cosmos a toujours existé. La récession des galaxies est compensée par une hypothétique création continue de matière dans l’espace intergalactique. Thomas Gold répétait souvent : « L’Univers est éternel et ne change pas. Il est partout et toujours le même. Homogène dansl’espace comme dans le temps. » Beaucoup de scientifiques préféraient ce scénario à celui du Big Bang, pour des raisons prétendument philosophiques.
    Malheureusement, pour brillante qu’elle fût, cette théorie a été infirmée par des observations astronomiques ultérieures. Contrairement à l’idée stationnaire, l’Univers d’hier est vraiment différent de celui d’aujourd’hui. Malgré les efforts impressionnants accomplis par Hoyle et ses collègues pour sauver leur postulat par de nombreux amendements successifs, de nouvelles observations diminuèrent encore sa crédibilité. Il lui restera quand même un grand mérite : celui d’avoir inspiré les programmes d’étude qui ont infirmé cette théorie. Ainsi, comme souvent en science, des concepts qui seront écartés plus tard jouent en leur temps un rôle moteur : celui de suggérer des expériences qui, à long terme, ont un effet bénéfique sur

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