Je n'aurai pas le temps
l’évolution des connaissances.
Les théories meurent d’obésité
Ouvrons ici une parenthèse pour illustrer un aspect important du processus scientifique : comment meurent les théories ? Le déclin et la chute de celle de la création continue nous serviront d’exemple. Depuis les travaux du philosophe Karl Popper, on entend souvent dire que le critère ultime de la valeur d’une thèse nouvelle est sa « falsifiabilité », critère selon lequel ce qui importe, c’est qu’elle puisse se prêter à des tests qui pourraient, si tel est le cas, la démontrer fausse. Les résultats détermineront si la proposition est valable ou non. Pour séduisante qu’elle soit, cette idée ne me paraît pourtant pas épuiser la situation. Pourquoi ? Parce que, lorsque l’expérience infirme la théorie, il est toujours possible d’amender cette dernière. Avec un peu d’imagination (et les théoriciens n’en manquent point), on peut la modifier pour lui permettre de rester en piste.
Ces retouches se font souvent au moyen d’une hypothèse supplémentaire, dont la seule justification est d’empêcher la théorie de couler. Et si un nouveau problème apparaît, on peut toujours récidiver, comme on ajoute de nouvelles rustines sur un vieux pneu fatigué.
Tout cela n’est pas sans évoquer les fées qui, dans les histoires enfantines, viennent apporter leur protection aux nouveau-nés, comme dans le conte de La Belle au Bois Dormant . Il est d’usage, quand on veut faire le bilan de la crédibilité d’une thèse, de faire le décompte des retouches qu’elle a dû faire intervenir. On parle alors de « compte de bonnes fées ». Plus celui-ci est élevé, plus la théorie perd de sa vraisemblance. Pour décrire un phénomène (ici l’Univers), les scientifiques préféreront toujours la théorie la plus simple, la plus naturelle, celle qui nécessite le moins de rafistolage. C’est l’obésité qui, en de nombreux cas, a fait mourir des théories…
Un premier vestige cosmique : le rayonnement fossile
Après les cours de George Gamow, les discussions étaient vives. À une question qui lui fut posée sur la théorie de la création continue, il répondit, après un de ses interminables éclats de rire : « Il y a des gens qui ont beaucoup d’imagination. »
Lui n’avait pas cessé de s’intéresser au Big Bang. « Prenons au sérieux, disait-il, cette idée selon laquelle l’Univers serait né dans une chaleur et une lumière intenses. Essayons d’en déduire les conséquences observables qui pourraient nous permettre de l’infirmer ou de la confirmer, non pas avec des arguments dits philosophiques, mais avec des mesures. »
Par quelques calculs simples, il avait montré que si la théorie du Big Bang était valable, il devrait encore subsister, partout dans l’Univers, une faible luminosité infrarouge, comme un résidu de cette lueur originelle. Mais il avouait douter de la possibilité de l’identifier parmi tous les rayonnements émis par d’autres sources terrestres ou célestes.
Cette luminosité fut, en fait, détectée en 1965. C’est le rayonnement fossile, dont nous parlerons longuement. Aujourd’hui, son existence est confirmée par de nombreuses observations au sol et en orbite. L’étude de ses propriétés est une inépuisable source de renseignements sur les premiers instants de l’Univers.
Notons, pour éviter toute confusion, qu’il ne faut pas confondre le « rayonnement fossile », appelé également « rayonnement cosmologique », avec les « rayons cosmiques ». Le premier est fait de photons de très basse énergie (moins d’un millième d’électronvolt, uniformément répandus dans tout l’Univers. Les seconds sont des particules (électrons, protons, noyaux atomiques) de très grande d’énergie (milliards d’électronvolts), plus ou moins confinées au volume de chaque galaxie.
Un second vestige cosmique : la nucléosynthèse primordiale
L’idée d’une matière initiale très chaude avait fait naître chez Gamow une autre intuition intéressante.
Rappelons qu’à des températures suffisamment élevées (des millions de degrés), les noyaux des atomes entrent en réactions nucléaires et peuvent fusionner pour former des noyaux plus lourds. Une question se pose alors : où et quand trouve-t-on de telles températures dans l’Univers ?
Pour Fred Hoyle, nous l’avons vu, c’est dans le cœur des étoiles. Mais, rappelle
Weitere Kostenlose Bücher