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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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Gamow, on les trouve aussi lors des premières minutes cosmiques. Avec un collègue nommé Alpher, il présente une alternative à la nucléosynthèse stellaire : tous les noyaux d’atome se seraient formés au moment du Big Bang. Avec son humour légendaire, Gamowinvite Hans Bethe à cosigner leur article, ce qui lui permet de baptiser la nouvelle théorie « l’alpha-bêta-gamma » (Alpher, Bethe, Gamow) de la nucléosynthèse primordiale !
    Mais cette hypothèse rencontre bientôt une difficulté majeure dans sa prétention à expliquer l’existence de tous les atomes. Des calculs montrèrent en effet que la phase chaude de l’explosion fut très brève : quelques minutes à peine. Seuls les éléments les plus légers comme l’hydrogène et l’hélium eurent le temps de se former. Le feu d’artifice se termine bien avant l’apparition de noyaux plus lourds comme ceux du carbone et de l’oxygène, sans parler de ceux de l’or et du plomb. Aussi ce scénario tomba-t-il dans l’oubli.
    Plusieurs événements le remirent pourtant en piste quelques années plus tard. D’une part, l’observation du rayonnement fossile avait confirmé la théorie du Big Bang. Et d’autre part, la nucléosynthèse stellaire de Hoyle se révélait incapable de rendre compte de l’existence des atomes les plus légers, précisément les seuls qu’expliquait la nucléosynthèse primordiale de Gamow. Les deux processus s’ajustaient comme deux pièces d’un même puzzle. Mais il en manquait un troisième… Ni le Big Bang ni les étoiles ne pouvaient expliquer correctement l’existence de trois autres éléments de faible masse : le lithium, le béryllium et le bore. C’est sur ces problèmes qu’avec une équipe de jeunes chercheurs je concentrai toute mon attention quelques années plus tard.

    Richard Feynman : un maître en pédagogie
    Le nom de Richard Feynman était déjà à cette époque entouré d’un grand prestige. Quelques années auparavant, il avait reformulé entièrement la théorie des ondes électromagnétiques (la lumière) en la simplifiant énormément. Des calculs dont la difficulté naguère décourageait les plusaudacieux devenaient maintenant étonnamment faciles. Tout reflétait chez lui l’intelligence et l’élégance.
    Aussi ses stages prolongés à Cornell étaient courus de partout. Il accompagnait ses cours de petits dessins au tableau noir qui devinrent plus tard les célèbres diagrammes de Feynman, un des instruments les plus précieux pour la compréhension intuitive des phénomènes physiques. On les retrouve maintenant dans de nombreux domaines de la physique. Il répétait souvent en souriant qu’il ne comprenait vraiment que ce qu’il savait dessiner. Chacun de ses cours était une fête pour l’esprit.
    Au début de sa carrière, son humour quelquefois provocateur face aux grands pontes de la physique (Einstein, Oppenheimer) lui avait valu des ennuis. Il avait fallu rien de moins qu’une intervention de Hans Bethe pour qu’on le prenne au sérieux. Au cours d’un séminaire houleux, celui-ci avait pris la parole dans le brouhaha général et lancé : « Vous auriez intérêt à écouter ce jeune homme si vous ne voulez pas dire de bêtises. » Cela avait suffi pour l’imposer.
    Un matin, Feynman arrive dans la salle de classe avec un sourire amusé. Je suivais ses cours depuis plusieurs mois et je connaissais assez bien ses manières pour deviner qu’il préparait quelque chose. Mais quoi ?
    « J’ai décidé, nous dit-il, d’étudier un ensemble d’observations de physique atomique que personne jusqu’ici n’est arrivé à comprendre. » J’ai le sentiment qu’il s’agit là d’un challenge à la hauteur de cet homme génial, et que j’ai la chance d’assister à une grande première. Je frémis déjà d’impatience à l’idée de ce grand moment à vivre.
    Avec sa simplicité et son élégance, il nous présente d’abord les données énigmatiques, puis il énonce les éléments de sa nouvelle hypothèse. Quelques idées claires, quelques corollaires, quelques commentaires appropriés illustrent parfaitement les ouvertures vers des développements ultérieurs que ce schéma de pensée promet et laissedéjà entrevoir. Mais la physique, souligne-t-il, ce n’est pas seulement des formules élégantes. Encore faut-il qu’elle rende compte des observations.
    Avec un premier diagramme, il présente une comparaison entre ses calculs et les

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