Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
Vom Netzwerk:
en mémoire.
    Parmi les gens que je côtoie, j’apprends peu à peu à distinguer les langues de bois de ceux qui, au contraire, me voyant dans l’incompréhension, ont à cœur de m’éclairer. Je les appelle les « anges gardiens ».
    Parmi les premiers, l’hôtesse d’un musée d’art socialiste à qui je demande, faussement naïf – car je m’attends à la réponse –, de voir la salle d’art contemporain :
    « Il n’y en a pas ici ! me répond-elle.
    – Pourquoi ?
    – Parce que les gens ne s’y intéressent pas.
    – Mais comment le pourraient-ils s’ils ne peuvent voir les œuvres ? Ne pourriez-vous pas en présenter quelques-unes ?
    – Ce serait une perte de temps. Personne ne viendrait les voir. »
    Parmi les seconds, Micha, un étudiant qui m’accompagnait à l’Opéra. Lorsque nous nous retrouvons, le lendemain, il me prend à part, m’emmène marcher le long d’une voie ferrée désaffectée et me dit : « J’ai remarqué votre surprise hier… Je pense que je vous dois une explication sur la raison de ces départs prématurés. Mais surtout, promettez-moi de ne pas en parler, j’aurais de sérieux problèmes. Voilà : pendant leur dernière année au lycée, les jeunes doivent o-bli-ga-toi-re-ment aller à l’Opéra. C’est considéré comme faisant partie de leur éducation culturelle. Un régisseur relève leur identité lorsqu’ils arrivent, mais il quitte la salle pendant la pause… »
    Nietchevo
    « Le Matenadaran est une bibliothèque qui possède les plus vieux livres de la culture arménienne. Certains manuscrits sont d’avant Jésus-Christ », m’affirment mes hôtes. Nous y sommes accueillis par une dame qui nous conduit dans une grande salle.
    Au centre, des dizaines de personnes s’agglutinent autour d’une vitrine, tandis que d’autres font la queue en attendant de pouvoir y accéder. Notre hôtesse frappe dans ses mains et lance quelques mots d’une voix forte et autoritaire. En un seul mouvement, les gens refluent vers les murs.
    Nous sommes alors invités à nous approcher et entendre une description détaillée de chacun de ces précieux manuscrits. J’ose à peine croiser le regard de ceux qui ont été écartés pour nous céder la place.
    Aucune réaction, seulement une grande résignation. « Nietchevo. » Je sens poindre en moi une profonde antipathie à l’égard de celle qui nous reçoit. Je n’arrive pas à écouter ce qu’elle nous dit. Ses sourires bienveillants ne me touchent plus. J’ai hâte de sortir de là.

Chapitre 17
    À l’observatoire de Burakan dans le Caucase
    À plusieurs reprises j’ai eu l’occasion de constater que, si l’URSS est officiellement athée, elle a ses propres temples et ses propres divinités : entre autres, les académies et les académiciens. J’avais déjà pu percevoir le prestige accordé aux instituts scientifiques chaque fois que j’avais présenté la lettre d’invitation de l’Académie des sciences, dont les pouvoirs étaient quasi magiques. J’en ai eu la confirmation lorsque le « Grand Académicien » arménien Ambartsumian me reçoit dans son observatoire de Burakan, juché sur les hauts sommets du Caucase.
    Je connais bien les travaux d’Ambartsumian. Il a présenté une théorie tout à fait novatrice sur l’origine des étoiles. Il rejette l’idée généralement admise qui attribue leur naissance à l’implosion d’un grand nuage de matière interstellaire. Il suggère au contraire une explosion initiale. À partir d’un état antérieur encore inconnu, les astres apparaîtraient soudainement dans notre espace-temps, à l’instar du Big Bang pour l’ensemble de l’Univers. Aucune observation n’ayant encore étayé cette théorie, le rôle de son observatoire est d’en trouver…
    Cinq jeunes chercheurs viennent me chercher à Erevan à l’heure convenue pour monter à l’observatoire. Nous partons dans un brouillard qui s’épaissit au cours de l’ascension et j’ai tout le loisir d’interroger mes compagnons sur leur sujet de recherches.
    « Nous travaillons à prouver la valeur de la théorie d’Ambartsumian.
    – Et si elle n’était pas fondée ? » plaisantai-je. Un silence glacial accueille ma question. J’ai l’impression d’avoir commis un crime de lèse-majesté ! J’essaie de rattraper ma maladresse par un « Décrivez-moi votre programme de recherches ». Un peu détendus, ils m’exposent leurs travaux, les calculs

Weitere Kostenlose Bücher