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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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« Akademia Naouki ! » L’homme s’arrête net. Il me restitue mon bien et, se confondant en excuses, il nous invite même à prendre un café. Une fois encore, je suis ébahi par le pouvoir de l’Académie des sciences, par l’effet magique que produit son nom. « Vous avez plus de chance qu’Alexandre le Grand, me dit-il alors que nous sommes tous autour d’une table en plastique, à la cafétéria de l’aéroport. Il est resté quinze jours à Erevan sans jamais voir le mont Ararat, toujours dans les nuages. Quand il est parti, il s’est exclamé en se tournant dans sa direction : “Dommage, Ararat, tu n’auras pas vu Alexandre !” »
    L’avion est annoncé, c’est le moment de se séparer. Mes amis me saluent une dernière fois. En même temps qu’Ararat, un autre sommet a émergé des nuées. Avec une solennité tout orientale, les désignant tous les deux, un de mes compagnons déclare : « Un vieux proverbe arménien affirme que les montagnes ne se rencontrent jamais mais que les vieux amis finissent toujours par se retrouver. »
    Dès l’embarquement, un des mystères restés en suspens à l’aller s’éclaircit : celui des paniers d’osier. Ils sont à nouveau là en nombre, mais ils ne sont plus vides. Des coqs, des poules, des lapins y sont entassés. Il y en a partout : sur les genoux des paysannes, sur les sièges, dans les coffres à bagages, et ça sent… La carlingue résonne de cette cacophonie fermière et nous avons bien du mal à entendre les annonces des hôtesses de l’air.
    C’est que les billets d’avion sont bon marché en URSS et les produits frais très rares et chers à Moscou. Le calcul est simple : un panier de fruits vendu au marché compense largement le prix du voyage aller-retour.
    Je demande à une hôtesse s’il est exact qu’il n’y ait qu’un seul vol hebdomadaire Erevan-Moscou. Pensant sans doute que je prends l’Arménie pour un pays sous-développé, elle me dévisage, l’air offusqué : « Ce sont des villes de plusieurs millions d’habitants, Monsieur. Il y a plus de cinq vols quotidiens ! » J’insiste : « Peut-être faut-il réserver longtemps à l’avance ?
    – Non, l’avion n’est jamais plein. Voyez vous-même », répond-elle, en montrant les sièges inoccupés. Je suis troublé : pourquoi ces mensonges de la part de mes hôtes ? Pour que je reste une semaine entière en Arménie ? Mais pourquoi ? Non pas que je le regrette, au contraire… La réponse viendra plus tard.

Chapitre 18
    À l’université de Moscou : Ya Zeldovitch
    À Moscou, Sacha, ami de Svetlana de Leningrad, m’invite à prendre le thé dans la chambre de son amie Olga, dans une résidence de filles de l’université de Moscou. Je m’y rends en métro. Sacha m’attend à la porte de l’immeuble. Nous allons au douzième étage et l’ascenseur est en panne. Il est déjà bien tard lorsque nous montons jusqu’à la pièce minuscule où se trouvent déjà une dizaine d’étudiantes, assises sur le lit ou par terre. On fait les présentations.
    La conversation va bon train. Sur la table, un petit camping-gaz a bien du mal à chauffer l’eau dans une imposante bouilloire. Le temps passe. Sacha s’impatiente. Olga essaie de le calmer, mais soudain il s’énerve : « Tu sais bien que si les étudiants n’ont pas quitté la résidence des filles avant minuit, ils risquent d’être exclus de l’université. » Il est moins cinq ! Nous bondissons tous deux dans l’escalier, que nous dévalons à toute allure. Devant la sortie, une matrone, l’air sévère, montre une grosse clef : « C’est trop tard. »
    Mes réflexes sont désormais au point. Je sors la lettre d’invitation de l’Académie des sciences et, sur-le-champ, la situation change du tout au tout. Nous avons droit à ses excuses, elle nous ouvre la porte et s’efface pour nous laisser passer.
    Dehors, Sacha et moi convenons de revenir le jour suivant. Il apportera un brûleur plus puissant.
    Le lendemain, à l’hôtel, la responsable de l’Intourist m’attend :
    « Votre ami Sacha a téléphoné. Vos amis ne pourront pas vous recevoir ce soir. Ils sont en période d’examens et consacrent leurs soirées à l’étude.
    – Je ne resterai que quelques minutes.
    – Malheureusement, nous n’avons pas de voiture à mettre à votre disposition.
    – Qu’à cela ne tienne, je prendrai le métro.
    – Vous risquez de vous perdre. C’est

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