Je Suis à L'Est !
Et où le corps enseignant gardait souvenir du passage réussi de ma sÅur. Cela facilitait les choses.
Jây suis devenu sur certains plans un élève modèle. Toujours à lâheure, et même, à vrai dire, debout devant la grille une heure avant le début du premier cours. Jamais absent. Toutes les affaires requises toujours avec moi. Tout en demeurant un cancre parfait dans dâautres domaines. Des exercices à faire à la maison qui certes étaient, du moins à mes yeux, « faits », mais dont la longueur ne dépassait que rarement une ligne, celle où le résultat était noté. Une écriture manuscrite toujours aussi obstinément illisible. Des centres dâintérêt toujours aussi ringards.
Jâai parfois eu lâimpression, assez désagréable sur le moment, mais dont je me souviens avec émotion aujourdâhui en me les remémorant, que quelque chose se passait. Au moins deux profs de terminale, en maths et physique, quand les calculs devenaient trop compliqués, et quâils sâembrouillaient face au tableau, avaient pris lâhabitude de se retourner, de me tendre la craie et de me dire : « Josef. » Câétait mon tour de tenter ma chance.
Quelques psychodrames plus tard, jâai passé le bac. Le bac comme la barque pour traverser la rivière, ou le bac à sable, rarement autre chose dans mon esprit. Je suis allé, comme on dit curieusement, aux « épreuves » fort peu inquiet pour leur contenu, mais particulièrement angoissé par les problèmes potentiels de métro. En somme, je suis allé au feu ou au bac en parfait cancre.
Le jour des résultats, alors que beaucoup de gens mâavaient prédit un échec magistral, mon nom nâétait pas dans la grande liste, mais sur une feuille à part, celle des mentions très bien. Un jour assez triste, en fin de compte, car ce fut celui de lâeffondrement dâun monde, de la fin de mes projets professionnels, lâadieu définitif et brutal à mes enseignants et camarades de classe dont une petite poignée, dans les derniers mois du lycée, étaient au moins devenus des compagnons de quelques rigolades autour des « guerres de calculatrices » programmables de lâépoque. Et lâadieu, comme je nâallais le comprendre que plus tard, à un modèle de normalisation par lâapprentissage permanent. Peut-être que ce jour-là , en voyant pour la dernière fois mon désormais ancien prof de maths et quelques autres, jâavais eu un instant la folie de croire en la possibilité de réussir malgré tout dans la vie. La folie de croire en la réalité des promesses que véhiculait lâécole. La suite fut, peut-être dâailleurs heureusement, un démenti riche dâenseignements.
Ce nâétait un secret pour personne : je voulais devenir mathématicien, parce que les maths étaient la matière où jâétais le moins exposé aux problèmes â sans mauvais jeux de mots. Les maths, cela allait tout seul. Pas la peine de réviser, ni même de lâenvisager. Et beaucoup de bon temps pendant les examens : songez, si vous avez quatre heures, si vous finissez rapidement, quâil vous reste trois heures pour vos échanges intimes avec la calculatrice et votre vieux pote le processeur « Saturn ». Les seuls qui vous comprennent parfaitement quand vous parlez en assembleur ou en « polonais inversé » ( sic , câétait le nom de lâun des langages de programmation).
Une clef du tournant imprévu des événements était mon âge. Comme jâétais mineur (pas dans la mine, mais au sens latin du terme) en passant mon bac, ma sÅur mâavait fait une petite blague : sur lâoutil ultramoderne quâétait alors le Minitel, elle mâavait inscrit dans cet établissement bizarre quâétait Sciences Po. Tellement bizarre quâil sera nécessaire dâinfliger au lecteur au moins un chapitre à son propos. Câest lui qui, en fin de compte, après de longues explications de ma sÅur à mes parents, un jour de fin dâété 1999, date à elle seule assez symbolique, mâengloutit pour longtemps.
1 . Territoire québécois des Inuits au pôle Nord.
2
Sciences Po.
 Lâautiste
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