Je Suis à L'Est !
sombres se réalisent, et que je suis sur le point de devenir SDF, je pourrai toujours ouvrir mon cabinet et demander des sommes terribles. En liquide.
à la rentrée universitaire de 2007, le dernier psy que je quittai en tant que patient a été le psy Risperdal. Sur la fin de mon parcours, il était quasiment devenu un ami et je tiens à lui rendre hommage bien que je ne puisse le nommer. Il a été celui qui posa enfin le bon diagnostic, mais nous verrons cela plus tard.
Depuis la fin août 2001, il sâétait donc écoulé six bonnes années. Comme le disait Robinson Crusoé une fois de retour de son île (autistique ?), je retrouvai Londres (ou plutôt Paris) après une longue, très longue absence.
Petits moments et petites histoires
Ces années ont été riches en événements. En les racontant, peut-être que je poursuis, seul désormais, en bon autiste, lâanalyse freudienne, comme on dit. Avec le sourire, même si ces années sâapparentent à une « descente aux enfers » et à une errance médicale et de diagnostic effrayante.
Mon ancien psychanalyste en a fourni, sans doute involontairement, un certain nombre. Chez lui, très souvent, les séances se déroulaient dans un grand silence de sa part. Il disait bonjour, puis il sâasseyait. Il avait une manière extraordinaire de dire « Racontez ! » Après cela, il ne disait plus rien quasiment jusquâà la fin. Peut-être quâil était plus autiste que moi. à certaines â rares â séances, il était un peu plus bavard, me posait quelques questions. Il y a eu alors des moments assez extraordinaires. Par exemple, on avait discuté, au tout début, du téléphone, parce que la sonnerie était difficile à vivre pour moi â cela nâa quâà peine changé. Il mâavait demandé : « Qui pourrait vous appeler ? » en sous-entendant que mon angoisse du téléphone était lâangoisse quâune personne mâappelle. Lorsque jâavais répondu : « Personne ne mâappelle jamais. » Il a laissé sous-entendre que, soit jâentendais des sonneries qui nâexistaient pas, soit je croyais être contacté par les ovnis, la CIA ou dâautres entités.
Lorsque jâévoquais mes angoisses, par exemple dans les magasins, il mâexpliquait quâen fait, jâavais des pulsions de vol ou dâagression tellement fortes que, au moment du refoulement, se créait cette anxiété. La particularité de ce mécanisme mental est dâêtre indémontrable et irréfutable : le fait que, par exemple, je nâaie jamais volé dans un magasin (mais là encore, peut-on en être sûr ? Je lâai peut-être fait sans mâen rendre compte, ou alors sur le plan symbolique) ne faisait que prouver le caractère refoulé des pulsions susdites.
Au tout début, au sortir de ces séances, jâétais assez déprimé. Probablement pas de la dépression au sens propre, plutôt un état dépressif. Ensuite, cela a cédé la place à un souvenir blanc, câest-à -dire à une absence de tout vécu remémoré du fait des médicaments.
Je me suis posé des questions sur la thérapie menée. Jâignore, à vrai dire, si on mâa réellement fait suivre une thérapie quelconque. Un jour, le psychanalyste mâavait dit, dâentrée de jeu : « Vous viendrez chez moi jusquâà mon départ à la retraite. » En termes de sécurité de lâemploi, il nây a pas mieux.
Une autre interrogation porte sur ma docilité, réelle ou supposée. Je crois, et les discussions que jâai pu mener avec mon entourage montrent que quasiment tout le monde aurait abandonné psy et cachetons au bout de quelques jours dans de telles circonstances. Lâautisme nâa-t-il pas, ironiquement, seul rendu possible une telle séquence ? Nâai-je pas, en avalant les comprimés sans discuter, suscité méfiance et conviction que jâétais réellement atteint ? Il me semble, au contraire, que la norme dans les maladies mentales telles que la schizophrénie est que le patient refuse, à un moment ou un autre, ses comprimés.
La prescription des médicaments donnait
Weitere Kostenlose Bücher