Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
Vom Netzwerk:
qu’intellectuel. Assez vite, l’univers est devenu plus réel : avec l’augmentation des doses, l’élargissement de la gamme de médicaments, j’ai basculé physiquement.
    A commencé un ballet interminable, qui a duré des années, de produits divers et variés. Je crois que j’ai dû essayer à peu près tous les médicaments existants en pharmacie, sauf l’Haldol 4 (en persan, hal est l’« état », et dol est en français juridique la « tromperie »). L’un de mes titres de gloire est d’avoir été, plus tard, sans le vouloir ni le savoir, l’un des premiers en France à prendre de l’Abilify, la troisième génération de neuroleptiques.
    Chaque produit avait des effets différents. J’avais commencé, au début de ma carrière de « fou désigné », par le Solian à faible dose, 100 mg par jour, qui provoquait une simple somnolence et une incapacité à réfléchir. D’abord à réfléchir sur les choses compliquées, puis sur des choses beaucoup plus simples. Toutefois, contrairement à ce qu’on croit parfois et à ce qui est écrit dans certains ouvrages de médecine, la détresse émotionnelle et l’angoisse restent telles quelles, à ceci près que l’on ne parvient pas à les exprimer ou les suivre dans les processus mentaux. Dans mon expérience personnelle, je pense que la prise de Solian n’a pas réellement changé mon vécu intérieur ; en revanche, elle a créé un enfermement intérieur plus grand.
    Les doses ont augmenté. Puis on a commencé à me prescrire les fameux médicaments correcteurs, lesquels ne corrigeaient ni les effets secondaires des autres comprimés, ni les leurs.
    Ensuite, les doses de Solian ont beaucoup, beaucoup augmenté parce qu’elles étaient inefficaces sur le fond de l’affaire. Les effets secondaires neurologiques ont alors commencé à apparaître, et une ou deux fois par jour, tous les muscles de mon dos se contractaient très violemment et faisaient se tendre ma colonne vertébrale de manière absolument incontrôlable et particulièrement douloureuse. Ce n’étaient pas les moments les plus agréables de la journée. Je souffrais également d’une perte de contrôle de la mâchoire, qui s’immobilisait dans des positions insupportables. Mes parents appelaient le Samu, sans grand succès. Mon discours tomba à zéro.
    Au bout de deux ans à peu près, et face à ces difficultés, mon aliéniste constata que non seulement le Solian ne marchait pas (et moi non plus), mais que les effets secondaires étaient majeurs. Du jour au lendemain, mon « psy-bourreau » a dit : « On lâche le Solian et on passe au Zyprexa 5 . » Au début, on a un peu une sensation paradisiaque, parce que, quoi que l’on dise, par rapport au Solian, le Zyprexa est nettement plus évolué : plus d’effets secondaires sur les muscles du dos et la mâchoire. Mais il a ses spécialités maison ! L’une d’elles étant que, comme quasiment tout le monde, je dormais beaucoup, beaucoup, beaucoup. Quasiment tout le temps. À une époque, je dormais vingt-trois heures trente par jour. Le fait de me lever pour aller aux toilettes était une pensée particulièrement angoissante parce que, quand je me réveillais à moitié, je devais me rendre à l’évidence : il faudra vraiment que je me lève d’ici quelques heures. Situations d’une ironie mordante quand on sait que le Zyprexa est souvent prescrit pour améliorer la sociabilisation des autistes.
    Un autre effet secondaire était plus que le bienvenu chez moi : le Zyprexa fait grossir. Pour un anorexique, rien de mieux. Je suis passé en quelques mois d’un poids qui tournait autour de 59 kilos, ce qui n’était guère flatteur pour quelqu’un de près de deux mètres, à 110 ou 115 kilos. Et plus.
    Toutefois, la malédiction continuait : seul, le Zyprexa ne marchait pas, bien que le patient, lui, marche un peu mieux. Ainsi, mon aliéniste a inauguré l’époque des cocktails. Et pourtant. Il est bien connu qu’on déconseille aux psychiatres de prescrire plusieurs neuroleptiques en même temps.

Weitere Kostenlose Bücher