Je Suis à L'Est !
dans des publications marginales. Il est particulièrement intéressant de voir à quel point de plus en plus de professionnels du secteur remettent en cause la politique pratiquée jusquâà maintenant qui, finalement, sâavère être un échec sur tous les plans. Un échec dâautant plus préoccupant quâil est interdit dâen parler. Ce serait politiquement ou médicalement mal vu.
Pourtant, le bilan semble négatif sur toute la ligne. Câest un échec financier, parce que la campagne de détection systématique suivie dâavortements non moins systématiques coûte fort cher. Un échec technique, notamment au niveau des tests, ceux-ci nâétant pas du tout aussi fiables quâon le croyait â et ce encore avec un handicap dont lâorigine génétique, particulièrement claire, devrait être détectable sans la moindre difficulté. Un échec au niveau du succès des avortements, puisque pour un enfant potentiellement trisomique avorté, deux non trisomiques le sont également, par erreur ou effets secondaires des tests. Sans même évoquer lâéchec humain, sous la forme de lâacharnement sur les parents qui pour une raison ou pour une autre refusent de se plier à lâinjonction médicale. Tout est mis en Åuvre pour faire croire que le test puis lâavortement sont une obligation légale, et les sanctions sociétales sont fortes pour les quelques rares récalcitrants. Il y a des médecins, par exemple, qui, ironie du sort, ont eu des enfants trisomiques et de ce fait ont été mis à lâécart de la communauté médicale.
Enfin, lâéchec le plus patent se situe peut-être à un autre niveau. La France a complètement manqué le coche de la prise en compte, pour ne pas dire de la prise en charge, de la trisomie 21. Dans dâautres pays, aux Ãtats-Unis, en Europe, en Espagne, on a développé, au fur et à mesure que le temps passait, des techniques pour un peu mieux éduquer, ou intégrer, les personnes trisomiques. Maintenant, on a des cas de plus en plus fréquents de gens trisomiques 21 qui réussissent les tests psychométriques pour entrer à lâuniversité américaine ; alors que beaucoup de gens, les gens les plus normaux, y échouent. Et on peut imaginer que prochainement, avec lâamélioration de toutes sortes de techniques, les choses évolueront encore. En témoigne cet Espagnol trisomique 21 qui avait démarré une carrière dâacteur, et qui maintenant a été embauché à un poste de responsabilité à la Commission européenne. En somme, la génétique, terme issu de la très vieille racine indo-européenne signifiant « naître », devient parfois une « thanatique », sapience ou pratique de la mort, non seulement pour les êtres directement concernés, mais pour les potentialités sociales en général.
La génétique sociale
Le pouvoir psychologique de la génétique me fascine. Ses racines sont profondes, dans la continuité historique du pouvoir magnétique du modèle des sciences dures sur les sciences de lâesprit (jâutilise le terme allemand, plutôt que le terme français « sciences sociales », qui est plus typé). Il ne sâagit pas de contester la véracité de quelque discipline que ce soit, simplement dâobserver les effets induits. Dâobserver que, après les tentatives de la sociologie positive dâAuguste Comte, de lâéconomie scientifique, câest-à -dire, croyait-on, marxiste, et autres psychologies naturalistes, la génétique peut paraître enfin en mesure de briser la séparation entre sciences de la nature et sciences de lâesprit, et dâintroduire lâordre des premières dans les secondes. Un facteur religieux joue peut-être également, quoiquâil soit plus difficile à évaluer : comme lâa montré Hans Blumenberg, un étrange parallèle mental est inévitable dans les cultures où le texte biblique est fortement valorisé, par exemple aux Ãtats-Unis, centre vivant des études en génétique, entre le protestantisme et lâidée que le code ultime serait logé en nous, un code quâil suffirait de lire et dâappliquer pour aboutir, merveille des
Weitere Kostenlose Bücher