Je Suis à L'Est !
comme un pays sans chômage ni racisme, ils ne savaient pas que le Guépéou ou le NKVD les attendaient à lâarrivée. Câest pour dire que le phénomène de rejet de lâautre est très fluctuant.
Rien ne dit que si, maintenant, des parents noirs réussissaient à avoir un enfant blanc par suite de telle ou telle manÅuvre génétique, une fois devenu adulte lâenfant ne serait confronté à des phénomènes dâexclusion reposant sur des variables que les parents nâauraient jamais pu anticiper.
Voyage au pays des autistes et des normaux
Imaginons, pour faire dans lâironie un peu mordante, que les autistes aient leur Ãtat. Dans cet Ãtat, nul système politique nâétant parfait, évolue une minorité de gens anormaux, appelés normaux ailleurs. La fable est la suivante : un jour, une nouvelle équipe dirigeante, pleine de compassion, entreprend des actions dâinclusion de cette minorité discriminée. Des programmes sont mis en place, à lâécole notamment, pour rendre normaux, câest-à -dire autistes, les enfants en question.
Lâexemple nâest pas tellement irréaliste. Un enfant européen placé dans une école traditionnelle japonaise peut vivre une expérience assez proche. Tout un pan de la littérature, avec Gulliver, les Lettres persanes , et que sais-je dâautre, a pour mission de dénoncer par la satire les travers issus de lâincapacité dâune société à appréhender une altérité.
Je crains que la France, de par bon nombre dâéléments culturels, nâait quelques difficultés supplémentaires en la matière. La normalité y est valorisée plus que tout. à lâécole, quand on veut blâmer un enfant, on lui dit : « Ne fais pas lâintéressant ! » Alors que lâobjectif de toute vie artistique, professionnelle, voire de toute vie humaine, est précisément dâêtre intéressant. En France, le sommet du succès dâun jeune est dâentrer à lâÃcole normale supérieure et dâêtre agrégé, de rejoindre le troupeau, au sens étymologique. Ainsi, lorsque Derrida était adulé aux Ãtats-Unis comme philosophe très créatif, en France, son statut officiel était « répétiteur de philosophie ».
Traduire cela dans une autre langue produirait des réactions étranges sur les gens. En allemand, on pourrait utiliser le terme de « Gleichschaltung  » pour « normalisation ». à ceci près que, pour nâimporte quel Allemand, le terme est sinistre, car il a été utilisé pour désigner la mise au pas du pays après la victoire de Hitler en 1933. Ce qui est objectif suprême dans la culture française évoque ailleurs de fort mauvais souvenirs. Si je peux encore pousser un peu, en tchèque, le terme « normalizace  », ou « normalisation », évoque là encore une période très particulière, à savoir la politique de répression qui a suivi le Printemps de Prague de 1968.
Il est bien entendu impossible dâévaluer clairement lâimpact des réminiscences historiques et des spécificités culturelles. Il est néanmoins probable que, à mes yeux, la moindre valorisation de la standardisation à lâécole en Amérique contribue à rendre possible le fait que lâautisme y soit mieux perçu. Voire devienne une sorte de qualité, un attribut enviable.
Comment se débarrasser des autistes et des autres
Mon ami Thomas Bourgeron, éminent généticien, est un habitué des conférences sur lâautisme et ses composantes génétiques ; jâai eu la chance dâassister à plusieurs dâentre elles. Un invariant de ces conférences est que la première question à être posée par le public tient en la meilleure manière de détecter lâautisme dâun enfant à naître, et dâagir en conséquence. Ceci nâa pour le moment pas abouti, faute de tests fiables ; toutefois, pour la trisomie 21, la France a adopté, il y a un certain temps déjà , une politique qui se voulait être de pointe. Nous pouvons en dire quelques mots.
Le sujet est à peine discuté, sauf peut-être le 21 mars, journée de la trisomie 21,
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