Je Suis à L'Est !
merveilles, à la création. à lâinverse, les pays catholiques tendent à valoriser davantage la psychanalyse, bien que naturellement les choses évoluent.
Quel quâen soit lâarrière-plan, la parole génétique acquiert un pouvoir social remarquable. Notre époque, même si elle ne se lâavoue guère, la valorise au-delà de tout. Prenons le cas du diabète. Ce dernier est issu dâune multiplicité de facteurs, biologiques, sociaux et idiopathiques (ou indéfinissables). La découverte dâun gène lié au diabète fait sensation, lâéquipe impliquée est fortement récompensée. Alors même que le taux dâexplication du gène en question est relativement faible, notamment par rapport à des facteurs non génétiques, qui eux sont passés sous silence, tant dans la presse scientifique que non scientifique. Une recherche analogue sur je ne sais quel facteur lié par exemple au mode de vie nâaurait pas connu un tel succès dâestime, et de loin. Mieux encore : il nây a pas si longtemps, les journaux avaient rapporté, enthousiastes, la découverte dâun gène de lâinfidélité. Enfin, nous avions lâexplication.
Naturellement, la recherche génétique dans lâautisme est plus sérieuse que dans lâexemple qui précède, encore que la méthodologie soit la même. Il nâen demeure pas moins que rares sont les gènes individuels qui ont un large pouvoir explicatif de lâautisme et vont au-delà dâun petit nombre de cas et de formes spécifiques dâautisme. Le professeur Thomas Bourgeron, en pointe sur ces questions et recherches, et pour qui jâai beaucoup dâestime et dâamitié, est dâailleurs dâune modestie remarquable, que les moins experts et non experts sont hélas loin de partager.
La croyance béate dans le pouvoir de la génétique peut recevoir deux critiques additionnelles. Dâune part, comme je mâefforcerai de le développer dans le chapitre suivant, je pense que lâautisme devrait faire lâobjet dâune étude pragmatique, problème après problème. Dans une telle approche, les difficultés à trouver un emploi, par exemple, devraient être prises au sérieux en tant que telles, non en tant quâépiphénomène dâun facteur génétique. Un lien causal que jâai beaucoup de mal à qualifier autrement que hautement hypothétique, plus encore que le gène de lâinfidélité par rapport à lâinfidélité effective. Dâautre part, la génétique, science jeune, se cherche encore. Ses praticiens sont dâordinaire nettement moins dogmatiques que ses amateurs en herbe. Son histoire est plus complexe que ce que lâon croit : souvent, on pense que la science, portée par Darwin, Mendel et autres, se serait imposée face à la religion obscurantiste pour donner la génétique. Ceci est une simplification outrancière, tant ces auteurs ont travaillé séparément, parfois dans lâhostilité, et elle ignore les tâtonnements multiples de toutes ces disciplines. Une vérification simple permet de constater que fort peu de gens ont lu Darwin. La plupart sont même surpris que lâon envisage de leur proposer de lire un auteur quâils « connaissent ». Aujourdâhui, la génétique est, si jâose dire, toujours en pleine mutation. Des pans entiers de la discipline émergent. Ce qui hier encore était remisé dans un coin sous le titre « empreinte parentale » est aujourdâhui une science à part entière, lâépigénétique. à ce titre, je dois remercier, là aussi, Jean Claude Ameisen, éminent scientifique et grand monsieur, pour son enseignement.
Pour moi, en tout cas, le moment le plus triste, le plus déprimant, serait celui où on réussirait à dresser un modèle systématique, quâil soit génétique ou autre, de lâêtre humain. Câest également pour cela que je ne peux quâêtre sceptique vis-à -vis de cet ouvrage que pourtant jâavais tant apprécié dans mon enfance, LâHomme neuronal , du professeur Changeux. Câest peut-être par un acte de foi, ou de mauvaise foi, que je pense que cette modélisation ultime nâarrivera pas de
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