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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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support de fer fixé au mur et destiné à cet usage, et il s’inclina gracieusement devant la reine. D’un signe, Isabeau ordonna au geôlier de se retirer. L’homme obéit, et se tint derrière la porte, prêt en apparence à intervenir si besoin était. La reine considérait le prisonnier avec étonnement. Passavant supportait cet examen avec une placidité remarquable.
    – J’admire votre courage, dit-elle enfin avec amertume. Où je comptais trouver un prisonnier abattu, prêt à tout accepter pour reconquérir la vie et la liberté, je vois un homme qui me brave… Ne protestez pas : vous me bravez de toute votre attitude tranquille, vous m’insultez de votre sourire, c’est de l’impudence.
    – Non, madame, dit le chevalier. Le premier mot employé par vous était plus exact, c’est simplement le courage. Quant à braver la reine, peut-être cela même serait-il permis à un homme qui va mourir sans doute et qui par conséquent n’a plus rien à redouter des grands de ce monde, mais telle n’est pas ma pensée. J’attends avec respect les offres que la reine est venue me faire dans mon cachot.
    – Et qui vous dit que j’ai des offres à vous faire ? gronda Isabeau.
    – Ah ! pardon… En ce cas, la reine de France est descendue dans les souterrains de la Huidelonne uniquement pour se donner le plaisir de voir la figure d’un homme accusé, convaincu d’un presque régicide, et condamné d’avance au supplice… Eh bien, ceci n’est pas généreux, madame. Je savais bien que vous chercheriez à vous venger de l’insolence que j’ai eue de refuser la fortune offerte par vous, mais je vous croyais de taille à choisir une vengeance plus rude ou plus noble. Je m’étais trompé. Pardon, madame.
    La reine se redressa, et d’un accent de suprême dédain, laissa tomber ces mots :
    – Vous avez raison, je suis venue vous offrir la vie sauve, mais vous ne me paraissez pas vous faire une idée bien nette de votre position et de la grâce que je vous apportais.
    Le chevalier se croisa les bras. La colère commençait à l’échauffer. Son attitude fut aussi dédaigneuse que celle de la reine, mais plus simple et à la fois plus narquoise. Et reprenant presque les termes mêmes dont s’était servie Isabeau :
    – Et qui vous dit que je veuille de votre grâce ?
    – Prenez garde ! dit-elle. Il est encore temps. Savez-vous…
    – Je sais ! interrompit Passavant d’un accent de sombre résolution. Tenez, madame, vous me faites pitié. Vous êtes reine… Vous êtes la toute-puissance. Et, pour réduire un ennemi aussi infime que moi, vous êtes forcée d’avoir recours au mensonge. Vous pouviez, vous deviez m’écraser d’un geste. Et, pour m’anéantir, vous vous faites calomniatrice, vous me laissez accuser d’un meurtre qui a été commis par votre allié le duc de Bourgogne. Allons donc ! On m’avait tracé d’Isabeau un portrait tel que j’avais fini par la redouter…
    – Tandis que maintenant ?… bégaya la reine livide de rage.
    – Je la plains, dit Passavant. Je la juge un pauvre être qui ne sait ni ce qu’il veut, ni où il va, et que les passions poussent de leur souffle capricieux. Je vais peut-être mourir, madame, bien que ce ne soit pas bien sûr, mais une chose dont je suis certain, c’est que, dans mon supplice ordonné, préparé par vous, je souffrirai moins que vous au sein de vos fêtes. Que voulez-vous de moi ? reprit-il avec plus de force. Je vais vous le dire, moi, puisque vous n’osez pas, vous !
    Isabeau était atterrée. Jamais on ne lui avait parlé avec un aussi complet oubli, non seulement de sa souveraineté, mais aussi de la puissance de sa beauté. Ce vague espoir qui l’avait soutenue dans sa lutte morale contre Jean sans Peur se brisait. L’impression qu’elle éprouva fut plus violente, plus funèbre que le jour où le roi lui avait dit : « Je veux que vous assistiez au supplice de votre amant ! » Tout s’effondrait donc ; par son espionne, elle savait que Jean sans Peur tentait de la trahir au moment même où il venait de lui jurer alliance et amour ; elle était prisonnière du roi. Et Passavant la bafouait.
    – Voyons, dit-elle d’une voix de mortelle amertume, voyons jusqu’où ira votre insolence.
    – Soyez tranquille, dit le chevalier tout hérissé, mon insolence ne dépassera pas les bornes que vous lui avez vous-même assignées.
    – Eh bien, soit ! Dites-moi donc ce que je voulais de vous,

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