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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Le chevalier de Passavant avait disparu de sa préoccupation.
    Ce matin-là, elle fit venir les deux ou trois espionnes qu’elle entretenait auprès d’Odette, et leur donna ses instructions qui furent très simples : s’arranger pour qu’à midi la demoiselle de Champdivers se trouvât seule. Ensuite la reine se fit habiller. Il était neuf heures lorsqu’elle se trouva prête.
    À ce moment, des cloches lointaines se mirent à sonner, auxquelles bientôt répondirent d’autres cloches. Des rumeurs s’élevèrent, puis s’affaissèrent, puis éclatèrent en tumultes pareils à des rafales de bruits indistincts. Dans l’Hôtel Saint-Pol, d’abord, ce fut un lourd silence. Mais brusquement il y eut de rapides allées et venues ; des cris d’appel fusèrent dans la rumeur éparse.
    – Que se passe-t-il ? murmurait Isabeau, palpitante.
    Elle écoutait sans comprendre. Elle appela le capitaine d’armes qui remplaçait Bois-Redon, et cet homme ne put lui fournir aucune explication. Deux heures s’écoulèrent. Isabeau allait d’une fenêtre à l’autre, essayant de voir et d’entendre ; mais elle ne voyait que les archers de l’Hôtel qui se massaient comme pour un combat ; elle n’entendait que ces vagues tumultes lointains que couvrait la voix des cloches.
    Et toutes ces impressions glissaient sur elle.
    Elle s’efforçait de s’intéresser à ce grand drame qu’elle devinait sans le comprendre, mais elle n’avait qu’une pensée très nette : Odette de Champdivers. L’heure d’agir était venue.
    Isabeau assura à sa ceinture la courte dague que, comme beaucoup de dames, elle portait souvent. C’était une lame solide et aiguë, emmanchée d’or, dans un fourreau de velours parsemé de pierreries.
    Elle se dirigea vers la porte.
    Elle était pâle, mais jamais elle n’avait paru plus calme. Simplement, elle dit à ses demoiselles :
    – Ces bruits m’inquiètent. Je vais moi-même chez le roi m’assurer que…
    Elle n’acheva pas. Les demoiselles d’honneur se mirent en marche pour l’escorter.
    – Restez, dit-elle. J’irai seule.
    Elles se regardèrent, étonnées, mais obéirent. La reine sortit et gagna la grande galerie. À ce moment même, Jean sans Peur apparut au haut du grand escalier. Il était livide, convulsé. Un coup d’œil jeté sur la reine lui apprit ce qu’elle allait faire. Il alla à elle. Et tous deux comprirent qu’en cet instant, ils n’avaient guère le temps de ruser.
    – Renvoyez tout ce monde ! dit le duc d’une voix rauque.
    La reine se tourna vers son capitaine et lui jeta un ordre bref : en une minute, la grande galerie fut vide. Et alors, Jean sans Peur :
    – Vous allez chez Odette ?…
    – Oui, répondit Isabeau, les dents serrées.
    Et sa main se crispa sur le manche de sa dague. Le duc de Bourgogne vacillait. Il pouvait se faire en ce moment que l’idée lui vint d’étrangler la reine. Mais sans doute lui aussi avait pris ses résolutions. Il posa sa main sur le bras d’Isabeau, et, tout grelottant, il dit :
    – Je vous la livre…
    Isabeau fut secouée d’un frénétique tressaillement. L’espoir envahit son cœur. Elle eut la sensation qu’elle pouvait encore se raccrocher à la vie, arriver peut-être à aimer Jean sans Peur comme elle l’aimait jadis…
    – Prenez garde ! dit-elle d’une voix si farouche que le duc sentit en cette seconde que l’esprit d’Isabeau était arrivé au paroxysme de la haine.
    – Je sais ! gronda-t-il. Vous pouvez vous défier de moi. J’ai tenté de vous trahir. J’ai essayé de convaincre cette fille et de l’emmener le jour même où je vous ai juré à vous que je vous appartenais. C’est fini. Et je vous répète : je vous la livre, tuez-la, ôtez-la de ma vie.
    Il se tut un moment. Il claquait des dents. L’effort qu’il faisait pour prononcer l’irrémédiable condamnation d’Odette pouvait le tuer. D’un geste furieux, il chassa toute pitié. Il se gronda :
    – M’arracher le cœur, s’il le faut, mais être le roi, le maître ! – À votre tour, continua-t-il. Vous avez essayé de me trahir le jour même où vous avez juré que vous étiez à moi. Vous êtes descendue dans les cachots de la Huidelonne. À votre tour, dis-je. Me livrez-vous Passavant ?
    Elle sourit. Sur ce point du moins, elle était encore supérieure à Jean sans Peur. Il tremblait, lui, il défaillait à la pensée qu’Odette allait mourir. Mais elle, déjà, avait condamné

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