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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Le pied inhabile ne sait plus où et comment se poser.
    Passavant marchait pourtant avec ardeur. Il se heurtait à droite ou à gauche aux parois de la galerie, mais il marchait. Il croyait, avancer rapidement. En réalité, chaque pas était soumis à un inconscient calcul. Il marcha peut-être plusieurs heures, et il commença alors à s’étonner que cette galerie fût si longue. Une marche pareille dans les rues de Paris l’eût conduit depuis longtemps hors des murs. Il continua, essayant d’accélérer le pas.
    Tout à coup, à l’un de ces heurts qui lui survenaient de distance en distance, il put comprendre pourquoi interminable était la galerie, pourquoi il n’en trouverait jamais la fin, même s’il marchait jusqu’au jour du jugement dernier.
    Ce heurt s’était produit à gauche et avait été plus rude que les autres.
    Passavant recula de deux pas, puis il voulut savoir contre quoi il s’était heurté ; il refit donc deux pas sur sa gauche, c’est-à-dire exactement sur le pan de mur qui avait déchiré son épaule.
    Exactement : il le croyait. Mais si court que fût le trajet, il dévia. Les mains tendues en avant pour toucher le mur, il ne toucha rien ; devant lui, il y avait du vide : c’était une autre galerie qui s’ouvrait là !…
    Alors il comprit. Depuis le temps qu’il marchait, il avait dû, à droite ou à gauche, entrer dans des galeries nouvelles, tourner, peut-être, revenir peut-être au point de départ, parcourir peut-être des lieues de chemin sans avancer réellement.
    Il s’assit. Une nausée lui souleva le cœur. La sueur pointa à la racine de ses cheveux, et il sentit qu’ils se dressaient. L’épouvante d’abord écartée victorieusement revenait à la charge. C’était horrible en effet. La sensation de l’absolue impuissance à suivre une route quelconque lui fut un intolérable cauchemar. Au loin, il entendit des clameurs désespérées. Il écouta, et s’aperçut alors que ces clameurs venaient de lui-même.
    L’épouvante saisit alors l’esprit de Passavant.
    De plus en plus forte et terrible se condensa en lui la conviction que nul ne pouvait dévider cet écheveau, que là, aucune Ariane n’avait placé le fil conducteur et sauveur, que quiconque était happé par le formidable engrenage de routes et de ténèbres ne pourrait jamais se libérer et se retrouver vivant dans la lumière.
    Passavant se remit en marche.
    D’un pas raide, les cheveux hérissés, les yeux agrandis, il marchait. Tantôt c’était d’un pas égal et soutenu, tantôt d’une course affolée. Parfois il s’arrêtait. Il écoutait, espérant surprendre quelque bruit lointain. Mais il n’y avait même pas de ces glissements légers de bêtes vivant au fond de ces cloaques. Ces carrières de pierre n’offraient sans doute dans leur profondeur aucune nourriture aux animaux souterrains. Alors, ayant une fois encore établi que le silence était son seul compagnon, il se remettait à marcher.
    La sensation de la soif qui le dévorait fut presque soudaine. Il n’y avait pas songé encore. Il n’avait pu y songer. Il n’avait pu encore se rendre compte que ses lèvres brûlaient, que sa gorge était sèche. Ce fut seulement au moment où la soif devint un intolérable supplice qu’il commença à la ressentir, mais sous forme bénigne. Il se dit :
    – Si je pouvais seulement boire…
    Le mot boire qu’il prononça distinctement déchaîna la soif. Alors il s’aperçut qu’il râlait. Et alors aussi les effrayantes imaginations de la fièvre commencèrent à le torturer. Il criait :
    – Là-bas ! Oh ! Là-bas, j’entends une source d’eau fraîche…
    Il se précipitait. La source fuyait. Il appela Thibaud Le Poingre, lui commanda quantité de flacons, s’irrita qu’on ne les lui apportât pas à l’instant, et là, au fond de ces sinistres ténèbres, dans cette solitude, dans ce formidable silence, Thibaud fut rudement menacé d’avoir les oreilles coupées.
    La faim, à son tour, fit son apparition.
    Saïtano l’avait dit : vous mourrez de faim, de soif, d’épouvante. La première, l’épouvante s’était installée dans le cerveau de Passavant. La soif était venue. Le troisième spectre se montrait : mais c’était le moins hideux, le moins acharné des trois. Facilement presque, le chevalier en eut raison. Assez vite, il parvint à oublier la sourde souffrance de l’estomac révolté. Mais la soif et l’épouvante furent intraitables.

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