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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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inégalitaire, il y avait un gouffre entre Jeanne et le roi, même si
les prêtres comme les franciscains répétaient que toutes les âmes humaines se
valaient aux yeux de Dieu. Qui plus est, au Paradis, les premiers seraient les
derniers. Il était plus difficile à un riche d’être sauvé qu’à un chameau de
passer par le trou d’une aiguille.
     

Pauvre ou
riche ?
    Si Jeanne a affirmé n’être pas bergère, elle reconnaît avoir
répondu à l’ange qui lui apparaît : « Moi je ne suis qu’une pauvre
fille… », mais la suite de la phrase – « je ne sais pas faire la
guerre » – prouve qu’il s’agit d’un manque de compétence plus que de
capacité financière. Plus tard, à la Cour, elle affirme être la voix des
simples gens qui se pressent autour d’elle, parce qu’elle ne les repousse
jamais et intercède pour eux auprès des puissants. Est-elle pour autant
pauvre ?
    Oui et non. Par rapport aux princes, aux nobles, aux
officiers du roi, certainement. Par rapport aux bourgeois d’Orléans ou à ses
juges de Rouen, certainement. On est toujours le pauvre de quelqu’un. Mais,
dans son village, Jeanne ne fait pas partie des pauvres. Ses parents sont des
laboureurs aisés. Un laboureur est un paysan qui possède une maison, une
charrue, des animaux et quelques hectares de terre qu’il cultive en famille ou
avec l’appoint de manouvriers salariés. Ils forment l’élite économique et
politique du village. Tous les témoins de Domrémy sauf trois les qualifient de
« bons laboureurs », deux les disent « pas très riches » et
un les dit « pauvres », mais ce dernier est vraiment riche.
    Les parents de Jeanne étaient capables – avec
d’autres – de louer des terres ou des bâtiments au seigneur de Bourlémont
comme à l’hôpital de Neufchâteau. Leur maison de pierre au centre du village
avait un étage et une cheminée ; elle faisait face à l’église,
localisation honorable s’il en est.
    « Quatre pièces sans confort [23]  » peut-on lire parfois, comme si
les maisons du XV e siècle avaient toutes salle de bains, W.-C. et
chauffage central ! Or la plupart des maisons paysannes n’ont alors qu’une
pièce, la cheminée est encore loin d’y être courante. La construction en pierre
est l’apanage exclusif de l’église et du château dans de nombreux villages. Et
de nombreux témoins du procès en nullité témoignent que Jeanne habitait bien
cette maison et non le château de l’Isle, comme le veulent les mythographes.
Simon ou Mengotte furent ses voisins. Pourquoi mentiraient-ils ? Autre
signe d’aisance : Jeanne possède son propre lit, peut-être seulement
depuis le mariage de Catherine, sa sœur aînée. Et elle le cède au pauvre
passant pour dormir dans la cheminée. Le lit individuel est extrêmement rare au
XV e siècle : même dans les hôpitaux, on regroupe trois ou
quatre malades par lit, ce qui propage efficacement les épidémies ! Ici,
il y a donc probablement trois lits : celui des parents, celui de ses
frères et celui des filles. Aucun domestique n’est mentionné.
    Son père Jacques avait été doyen (l’équivalent de maire du
village), mais il avait été aussi procureur de celui-ci lors d’affaires
évoquées devant Robert de Baudricourt, le capitaine royal de Vaucouleurs qu’il
connaissait bien. Quelques petits nobles étaient parfois les hôtes de la maison
sans en être pourtant très familiers, puisqu’ils n’arrivent pas en 1456 à se
souvenir du nom de la mère de Jeanne. Bernard de Poulangy a-t-il fréquenté la
maison avant 1429 ? Nous n’en savons rien. La mère de Jeanne, Isabelle,
avait été élevée à Vouthon, à quelques kilomètres, elle avait un cousin couvreur
et charpentier, un autre, curé, et enfin un qui fut moine à l’abbaye
cistercienne de Cheminon. Si l’on suppose que les marraines de Jeanne ont
plutôt été choisies parmi les relations de sa mère, ce qui se fait
ordinairement, celles-ci appartiennent au même milieu : Jeanne Aubry, qui
selon le procès en condamnation aurait vu les fées, est l’épouse de l’ancien
maire ; une autre est la veuve du greffier du tribunal de Neufchâteau. Il
est possible aussi que quelques franciscains de Neufchâteau (où les Bourlémont,
seigneurs du village, ont leurs tombeaux) aient été parfois accueillis dans la
maison familiale lors de leurs tournées de prêche. En tout cas, l’anneau que
les parents de Jeanne lui offrirent, peut-être

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