Jeanne d'Arc Vérités et légendes
culpabilité. L’accusée fut
plusieurs fois admonestée (c’est-à-dire priée de se soumettre), ce qu’elle
refusa.
Le 24 mai 1431, Jeanne fut à nouveau admonestée au
cimetière Saint-Ouen, en présence d’un bûcher tout prêt. Elle finit par mettre
une croix au bas d’une formule d’abjuration et fut condamnée à la prison
perpétuelle. Mais deux jours après, sur le conseil de ses voix, elle revenait
sur ses aveux et reprenait l’habit d’homme. Un court procès pour relaps (pour
être retombée dans ses erreurs) la condamna à mort. Le 30 mai 1431, elle
mourut brûlée sur la place du Vieux-Marché de Rouen, en prononçant le nom de
Jésus.
Les procès
Parfaitement régulier dans sa forme, le procès en
condamnation n’en est pas moins très critiquable sur le fond :
l’information préalable n’a pas été jointe, l’acte d’accusation est d’une
partialité rare, l’acte d’abjuration, trop long, n’est pas celui que Jeanne a
signé, qui est plus proche sans doute de la formule courte qui accompagne la
minute française. Une information posthume où Jeanne renie ses voix a été
ajoutée, sans être authentifiée par les notaires. Enfin, les Anglais ne
cachaient pas que la seule issue possible était la mort : ce procès en
matière de foi était aussi un procès politique.
Tout cela permit, quelque vingt-cinq ans plus tard, une fois
la victoire française acquise, d’obtenir du pape l’annulation de la sentence.
Dès son entrée à Rouen en 1449, Charles VII chargea un de ses conseillers,
Guillaume Bouillé, d’enquêter sur la façon dont le procès avait été mené. Sept
témoins insistèrent sur les pressions anglaises avec d’autant plus de liberté
que tous les responsables (Cauchon, Lemaire, d’Estivet) étaient morts. En avril
1452, le cardinal-légat Guillaume d’Estouteville et l’inquisiteur de France,
Jean Bréhal, commencèrent une nouvelle enquête. Seize témoins furent
interrogés. L’année suivante, Bordeaux tombait et les Anglais étaient
définitivement chassés du royaume. Le « roi très victorieux », comme
on appelait désormais Charles VII, ne pouvait devoir le trône aux
sortilèges d’une hérétique. Les négociations avec la papauté reprirent. Ce
n’est toutefois qu’en juin 1455 que le pape Calixte III accepta la demande
de révision de la famille de Jeanne. Le procès en nullité commença en 1456
devant l’archevêque de Reims, Jouvenel des Ursins, l’évêque de Paris, Guillaume
Chartier, et l’inquisiteur Bréhal. Ils se firent communiquer les pièces du
procès de 1431 et interrogèrent plus d’une centaine de témoins à Orléans, à
Rouen, à Paris et en Lorraine. Très proche dans la forme du procès de
1431 – car c’est aussi un procès d’inquisition –, il en est très
différent dans l’intention. Les juges veulent cette fois prouver que Jeanne fut
pieuse et bonne catholique, prête à se soumettre à l’Église militante,
puisqu’au moment de l’abjuration elle avait fait appel au pape et au concile.
Mais ils affirment aussi qu’elle est morte pour son roi et pour la France. À
leurs yeux, la guerre de Cent Ans n’est pas un conflit féodal ou un simple
affrontement de partis, mais une guerre nationale où le royaume a joué sa
survie. Comme le premier procès, celui-ci parle de politique.
Le 7 juillet 1456, Jouvenel des Ursins déclara cassée la
sentence de 1431. Sa nullité fut solennellement proclamée à Rouen et à Orléans.
Jeanne n’était plus, aux yeux du monde comme de l’Église, une hérétique. Mais
nul, parmi les docteurs, ne pensait alors à en faire une sainte.
2 Une pauvre bergère ?
C’est un mythe armagnac apparu en 1429. Ni les historiens
ni les mythographes n’y ajoutent plus foi depuis les années 1960. En réalité,
Jeanne était fille de paysans aisés.
Jeanne n’était donc pas bergère. Les deux procès
l’attestent. La question lui est posée à deux reprises par les juges de Rouen.
Non, elle n’allait pas communément aux champs garder les brebis et les autres
animaux. Peut-être l’a-t-elle fait quelques fois avant d’avoir sept ans, mais
depuis elle n’y est plus allée. Cependant, les juges s’entêtent, car ces prés à
l’écart du village, donc loin de tout contrôle social, leur paraissent
suspects. A-t-elle vu les fées en gardant les brebis ou ne s’est-elle pas
plutôt entraînée à chevaucher ? lui demandent-ils encore. Pour eux, la
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