Jeanne d'Arc Vérités et légendes
mais de combien, nous ne le
savons pas.
Paysanne et non
noble
Il ne convient pas néanmoins d’aller trop loin, les documents
s’y opposent. La famille de Jeanne n’est pas une famille noble même si son père
est Jacques d’Arc et sa mère Isabelle de Vouthon. La particule n’est pas
nobiliaire au XV e siècle ; son père est né à Ceffonds près
d’Arc-en-Barrois et sa mère à Vouthon. La famille de petite noblesse où le
service du roi remonterait au XIII e siècle, tel qu’on peut parfois
le lire, est due à une incompréhension de deux actes retrouvés par l’historien
Siméon Luce : en 1423, le père de Jeanne est procureur des habitants de
son village auprès de Baudricourt et non l’inverse. En 1420, dans l’acte de
location du château de l’Isle, le père de Jeanne et cinq autres paysans
prennent à bail pour neuf ans le vieux château, qui n’est plus habité par les
Bourlémont depuis le début du XV e siècle, ses jardins, terres, bois
et appartenances, moyennant 14 livres par an et des livraisons de blé. De
là à faire de Jacques d’Arc un « fermier général [24] » (la Ferme générale des impôts
apparaît dans la seconde moitié du XVII e siècle !), il y a
loin. Un fermier médiéval loue des terres, c’est tout. Et il est tout aussi
absurde de faire de ce château une base militaire dépendant de Robert de
Baudricourt où Jeanne aurait passé une enfance oisive et nobiliaire, n’apprenant
guère à l’abri de ses hauts murs que les révérences et l’équitation. Comment
comprendre alors que les habitants de Domrémy se réfugient à Neufchâteau quand
le danger menace ? Si le château de l’Isle avait vraiment encore des
remparts solides, une garnison et un châtelain (le père de la Pucelle), ils s’y
seraient réfugiés.
Jeanne aurait-elle été appelée « dame Jeanne » ou
« noble princesse » dès son arrivée à Chinon ? En réalité, les
habitants de son village l’appellent Jeanne ou Jeannette, le duc d’Alençon fait
de même, Jean de Metz lui dit « ma mie », les religieux « ma
fille » et les voix « fille de Dieu », ceci depuis son arrivée à
Orléans et encore au procès. En fait, il n’y a qu’un seul texte du XV e siècle, le Mystère du siège d’Orléans, qui fasse du père de Jeanne
un noble, mais le texte définitif date de 1460 : Jeanne est morte depuis
longtemps. Si elle y est bien dite « dame » ou « noble
Pucelle », elle n’y est jamais qualifiée de « noble princesse ».
Et sa mission commence désormais par la superbe et imaginaire scène de
l’annonce de l’ange à la bergère gardant ses moutons. Trente ans après la
libération d’Orléans, la légende a triomphé.
Tout souvenir de l’anoblissement, donné à Mehun-sur-Yèvre en
décembre 1429 à Jeanne, ses trois frères, son père et sa mère par le roi
Charles VII, a disparu. Or, le texte royal est clair :
« Puisqu’ils ne sont pas, à ce qu’on dit, nés d’une noble famille et
qu’ils ne sont même pas peut-être de condition libre. » Si le roi éprouve
le besoin d’anoblir Jeanne et sa famille, c’est qu’elle n’était pas noble. Le
roi et son administration sont les mieux placés pour savoir ce genre de choses.
Les nobles sont exempts d’impôts, les roturiers les paient et l’État suit de
très près, pour des raisons évidentes, les passages d’une catégorie à l’autre.
Jeanne n’était donc pas une pauvre bergère, même si les
Armagnacs l’ont dit pour des raisons symboliques entre mars et juin 1429. Elle
appartenait à la population paysanne, majoritaire dans le royaume. Seuls les
très riches ou les très pauvres peuvent susciter la légende. Or, les paysans
nourrissaient les clercs et les nobles, mais ils ne faisaient rêver personne.
Fille d’une famille villageoise aisée, donc, comme tant d’autres.
3
Fille cachée du roi ?
C’est un mythe du début du XIX e siècle ,
dépourvu de tout fondement médiéval. Il vise à substituer au merveilleux
chrétien celui des contes de fées. Les historiens l’ont déjà plusieurs fois
réfuté.
Jeanne a parlé à deux reprises au moins de filles de roi. À
Vaucouleurs, elle affirme à Jean de Metz : « Personne au monde, ni
duc, ni roi, ni fille du roi d’Ecosse ne peuvent recouvrer le royaume de
France. Il n’y a pour lui de secours que de moi. Pourtant, j’aimerais mieux
rester à filer près de ma pauvre mère, car ce n’est pas de ma
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