Jeanne d'Arc Vérités et légendes
l’épouse de Durant Laxart est en fin de grossesse, Jeanne va s’établir
chez ses cousins pour quelque temps, sans qu’il soit question de sage-femme.
On était le 6 janvier… ou non. Car c’est trop joli pour être
honnête. À l’Épiphanie se rencontrent les bergers et les rois. Les enfants nés
ce jour-là sont, croit-on, promis à de grandes choses. La fève proclame à cette
occasion des rois d’un jour.
Jeanne fut baptisée dans les trois jours parce que c’est une
stricte obligation canonique. Tous les villageois qui ne l’avaient pas vue le
jour de la naissance (seules les femmes, en effet, étaient admises autour du
lit de l’accouchée) assistèrent à ce baptême, qui est le mieux connu de
l’époque médiévale avec celui du roi Charles IV. L’enfant eut en effet un
très grand nombre de parrains et marraines, dont l’épouse du maire. La mémoire
du village en fut frappée : en 1456, si 19 des 34 témoins qui sont les
plus jeunes ne savent rien, 5 en citent 4 ou 5, 4 en citent 3, 6 en citent 2 et
5 en citent un. On ne peut pas dire qu’il se soit agi d’un événement caché. Au
XV e siècle, le baptême est normalement mieux attesté que la
naissance. Naître à Dieu est plus important que naître au monde. Le prénom
Jeanne est celui du tiers des petites filles de cette génération. Il est porté
de la cour du roi à la plus humble chaumière. L’enfant fut allaitée par sa mère
et celle-ci reprit le travail bien avant la fin des quarante jours de repos qui
séparaient normalement les couches des relevailles.
Passons maintenant à la cour de France : « La
veille de la Saint-Martin d’hiver vers deux heures après minuit, l’auguste
reine de France accoucha d’un fils, en son hôtel près de la porte Barbette. Cet
enfant vécut à peine et les familiers n’eurent que le temps de lui donner le
nom de Philippe et de l’ondoyer au nom de la sainte et indivisible Trinité. Le
lendemain soir, les seigneurs de la Cour conduisirent son corps à l’abbaye de
Saint-Denis avec un grand luminaire selon l’usage et l’inhumèrent auprès de ses
frères dans la chapelle du roi son aïeul. »
L’accouchement des reines est public et le Religieux de
Saint-Denis, qui est le chroniqueur officiel du règne de Charles VI, se
fait un devoir de le raconter. Même si ce passage n’est conservé que dans un
manuscrit du milieu du XV e siècle, il n’y a pas lieu de douter de
cette naissance (l’enfant a très peu vécu ou était peut-être mort-né), car
celle-ci est signalée dans des termes à peu près identiques par Jouvenel des
Ursins, Jean de Wavrin, Cousinot et Monstrelet, c’est-à-dire aussi bien dans
des textes bourguignons que dans des textes armagnacs. À peine a-t-on eu le
temps de l’ondoyer et de lui choisir nourrice et berceuses (non nobles) que
l’enfant meurt.
Il n’y a pas lieu non plus de voir un complot destiné à
permettre une substitution dans cette forte mortalité périnatale qui est une
réalité incontournable. Sur les douze enfants d’Isabeau de Bavière, qui fut,
nous en sommes sûrs, une mère attentive, cinq atteignirent l’âge adulte, trois
moururent avant vingt ans et quatre moururent en bas âge.
Enfin, pour prouver que la théorie bâtardisante est exacte,
il faudrait être sûr que le roi et la reine ne se fréquentent plus et qu’il
existe parallèlement une liaison entre la reine et le duc d’Orléans.
« Délaissée par son mari dément, disent les
mythographes, Isabeau s’installa à l’hôtel Barbette… en 1402 [26] … » Charles, né en 1403, ne serait
donc pas non plus le fils de son père à ce compte-là ; et en 1407 Isabeau
ne se serait pas sentie capable d’annoncer à son versatile époux, pour la
seconde fois en quatre ans, la naissance d’un bâtard, d’autant qu’il était alors
dans une période de rémission. C’est une hypothèse dont la réfutation est tout
à fait possible.
En effet, Isabeau continue à résider très fréquemment à
l’hôtel Saint-Pol, résidence officielle du couple royal. De 1402 à 1406, elle
n’a passé que six mois à l’hôtel Barbette pour de brefs séjours qui
correspondent souvent aux crises de folie du roi. La reine, qu’il ne reconnaît
plus et qu’il frappe, se met alors à l’écart.
Pourtant, la vie continue. Ce qui se passe dans le lit
conjugal nous est assez bien connu [27] .
Il s’agit en effet d’un problème médical (les médecins pensent que
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