Jeanne d'Arc Vérités et légendes
messe de
Noël, on chantait en effet que l’enfant prédestiné porterait « le signe de
son pouvoir sur l’épaule » (Isaïe IX, 5).
Qu’en était-il du roi Charles VII en la matière ?
En juin 1457, dans un village perdu des montagnes d’Auvergne, un vieux paysan
affirme « que le roi est roi, mais il ne lui appartenait pas que fusse
roi, car il n’est pas du lieu. Car quand le roi naquit, il n’apporta point
enseigne de roi et n’avait pas la fleur de lys comme vrai roi ». De même,
vers 1460, la traduction française de l’Oratio historialis date de juillet
1429 (lors du sacre), le moment où « reçûtes-vous, par miracle divin, les
enseignes royales dont vous estes marqué ».
À ce compte-là, Jeanne n’aurait pas dû, si elle était la
bâtarde royale voulue par le sous-préfet Caze, porter le signe royal. Pourtant,
un certain nombre de mythographes, dont Weill-Raynal, le lui attribuent. Cette
fameuse tache rouge au-dessous de l’oreille droite que Jeanne aurait eue (mais
une seule source en parle) est ainsi, au choix, la marque des prophétesses,
celle des sorcières ou encore le signe des rois ! C’est lui faire bien de
l’honneur !
Avant de se préoccuper de savoir si Jeanne d’Arc s’inscrit
dans le sang royal, il convient de regrouper ce qu’elle en a dit. Car elle en
a, c’est un fait, beaucoup parlé. Le « sang des rois » surgit dans
ses propos pour la première fois à Nancy, quand elle prie, sans succès
d’ailleurs, le duc de Lorraine d’envoyer son beau-fils René d’Anjou à Chinon
rejoindre les autres princes autour du roi. Puis, lorsqu’elle rencontre pour la
première fois le duc d’Alençon que le roi lui présente, elle répond :
« Soyez le très bien venu. Quanto plures erunt de sanguine régis
Franciae insimul, tanto melius », ce qui signifie en français :
« Plus il y aura de princes du sang ensemble, mieux cela sera. » Les
mythographes veulent qu’elle ait dit « plus nous serons du sang de
France », ce qui ferait « quanto eramus », ce qu’elle n’a
pas dit. L’expression « princes ou seigneurs du sang royal » date du
règne de Charles V et elle est extrêmement fréquente dans les manifestes
du parti armagnac. Les seigneurs du sang ont une affection particulière pour le
roi et des responsabilités dans le gouvernement du royaume ; ils figurent
au Conseil, monopolisent les hauts commandements. De leur union ou de leur
désunion dépendent la fin de la guerre civile comme celle de la guerre
anglaise. L’union est l’un des slogans du parti armagnac.
Et cette union reste imparfaite tant que le duc d’Orléans
est prisonnier en Angleterre. Aussi la lettre que Jeanne adresse aux Anglais le
22 mars 1429 affirme-t-elle : « Je suis venue de par Dieu pour
réclamer le sang royal. » La libération du bon duc d’Orléans est l’un des
points essentiels de sa mission, même si celle-ci n’advint qu’en 1440, bien après
la mort de Jeanne et selon des modalités qu’elle n’avait pas prévues. En
revanche, la Pucelle n’envisage pas de réussir à remettre ensemble
Charles VII et le duc de Bourgogne autrement qu’à la pointe de l’épée,
bien que Philippe le Bon appartienne incontestablement au sang de France.
Naître au village
et naître à la Cour
Examinons maintenant ce que nous savons de la naissance de
Jeanne d’Arc le 6 janvier 1412 et ce que nous savons parallèlement de la
naissance du petit Philippe à l’hôtel Barbette le 10 novembre 1407.
D’un côté, une paysanne accouche dans un village de
frontière de son quatrième enfant, qui s’avère être une fille qu’on prénomme
Jeanne. Nous n’avons pas de registre paroissial conservé. Il n’y a pas lieu de
soupçonner un complot qui viserait à nous priver d’une date exacte puisque
seuls trois registres de baptême-mariage-funérailles sont conservés pour cette
période (Givry, Lyon, Porrentruy) et pour tout le royaume. Ne nous étonnons pas
non plus que les témoins de Domrémy n’évoquent pas la nuit de la naissance,
puisque la question ne leur est pas posée. On leur a demandé qui sont les
parents, ils répondent, puis ce qu’ils savent du baptême, ils le disent. Quant
à la présence d’une sage-femme, elle ne va pas de soi. Une paysanne peut se faire
aider par ses voisines ou ses cousines. La sage-femme n’est pas gratuite et il
n’est pas sûr qu’elle en sache beaucoup plus qu’une mère de nombreux enfants.
Quand
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