Jeanne d'Arc Vérités et légendes
1439. Il épouse en
secondes noces Marie d’Harcourt et donne naissance à une lignée prestigieuse,
les Orléans-Longueville. Ce fils de Louis d’Orléans, né en 1403, ne fut
absolument pas un enfant caché.
Les enfants bâtards peuvent-ils accéder au trône ? La
réponse est oui. Henry de Trastamare devient roi de Castille après avoir
éliminé l’héritier légitime Pierre le Cruel (on racontera là aussi qu’il était
un enfant substitué et le fils d’un Juif). Le grand maître d’Aviz devient roi
du Portugal en écartant ses demi-sœurs, et les héritiers bâtards de Jean de
Gand et de Kathlyn Swynford monteront sur le trône d’Angleterre à la fin du XV e siècle.
Le sang des rois
Il est vrai qu’à la cour de France les choses sont
différentes : la procréation des bâtards s’y heurte à la mystique du sang
royal, qui est une spécificité française.
À l’origine, le sang des rois n’était pas très différent de
celui des grands féodaux, mais il le devint. Les chroniqueurs qui à Saint-Denis
écrivaient pour la dynastie avaient su prouver qu’une lignée unique gouvernait
le royaume depuis les origines. Les Carolingiens étaient des Mérovingiens, les
Capétiens descendaient de Charlemagne. Charles VII était le cinquante et
unième roi et l’héritier de Clovis. Ce sang unique était aussi un sang
perpétuel promis à gouverner le royaume jusqu’à la fin des temps. Dieu
fournirait toujours un héritier au roi de France, qui était son preux et
vaillant défenseur. Le « meilleur sang qui soit au monde » transmet
de génération en génération toutes sortes de qualités : la piété, la
vaillance et la capacité potentielle à faire des miracles que le sacre
actualise chez le fils aîné, promis à devenir un bon roi comme son père. Cette
théologie du sang de France, qui avait été mise au point sous Philippe le Bel,
avait une conséquence plus inattendue : le sang de France devait rester
pur.
« Le sang des rois n’a connu depuis l’origine aucun
bâtard. » « Aucun Joachim ne s’est jamais assis sur le trône de
David. » Un adultère ne peut engendrer un roi de France. Une affirmation
qui poussait à exclure de la lignée Childéric, père de Clovis, ou Charles
Martel ! Il s’ensuivit que la vertu des reines devint un enjeu en France
alors qu’en Angleterre il n’était finalement pas important qu’Isabelle de
France, l’épouse d’Edouard II, puisse être à la fois queen et queans (« reine » et « putain »). En 1314, les trois
belles-filles de Philippe IV furent accusées d’adultère avec deux
chevaliers qui furent exécutés. L’ombre jetée sur la naissance de la petite
Jeanne, fille de Marguerite de Bourgogne et de Louis X, contribua à
l’écarter du trône. En 1350, le connétable Raoul d’Eu fut exécuté pour avoir eu
« aucunes amours » avec Madame Bonne, mère de Charles V. Les
rumeurs sur la bâtardise éventuelle de Charles VII sont du même ordre. Or,
il n’y a aucune raison de penser que la vertu des reines ait été excellente
avant 1300 et mauvaise à la fin du Moyen Âge. Si elles étaient observées avec
tant de suspicion, c’est qu’elles devaient fournir des héritiers légitimes.
Nul n’en demandait autant au roi de France. C’était assez
illogique dans la mesure où le statut de « personne mixte », mi-clerc
mi-laïc, que lui donnait le sacre aurait dû le conduire à une certaine
austérité. Saint Louis, Philippe IV le Bel et Charles V semblent s’y
être tenus, mais non Philippe Auguste, qui eut d’une demoiselle d’Arras
Pierre-Chariot, futur trésorier de Saint-Martin de Tours, ni Louis X, père
d’Eudeline, ni encore Charles VI, père de Marguerite de Valois née en 1407
de la liaison du roi avec Odette de Champdivers, « la petite reine ».
L’adultère masculin est d’ailleurs souvent considéré au Moyen Âge avec une
certaine bienveillance, puisqu’il ne gêne ni la transmission des biens ni celle
des titres.
Aucun de ces enfants bâtards, dont toute la Cour connaissait
l’existence (Marguerite y fut élevée à partir de 1425 et s’y maria en 1428 avec
le seigneur de Belleville), n’était pourtant réputé porter le signe royal.
Depuis le XIII e siècle, une croyance populaire voulait en effet que
les fils du sang de France, auxquels le trône était promis, portent sur
l’épaule droite [25] une croix rouge qui fut plus tard remplacée par une fleur de lys. À la
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