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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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d’ailleurs laissent à désirer [40]  ». Les minimalistes n’aiment pas
les héros ! Jeanne, bien sûr, n’a pas délivré Orléans toute seule. Il a
fallu aux habitants d’Orléans tenir huit mois pour être délivrés en huit jours.
Ils y virent un miracle de Dieu, dû à la présence de Jeanne, à leurs saints
évêques ou à la vengeance de la Vierge de Cléry, dont le sanctuaire avait été
pillé par les Anglais. Plus prosaïquement, la victoire pouvait tout aussi bien
être attribuée à Raoul de Gaucourt, chef de la garnison, à l’armée de secours,
à Jeanne qui s’y était jointe ou aux contribuables qui l’avaient payée. Toute
victoire est collective.
    Mais ce fut de Jeanne que les habitants d’Orléans conservèrent
un souvenir ébloui. Chaque année les Orléanais défilent le 8 mai [41] entre la cathédrale et l’emplacement de
l’ancien fort des Tourelles abandonné par les Anglais de l’autre côté de la
Loire, le corps de ville en tête avec des cierges, le clergé, l’université, les
métiers et confréries. Et cela depuis cinq cent soixante-dix-neuf ans, sans
interruption ou presque. La fête du Lèvement du siège fut d’abord en 1430 une
injonction royale, avant de se transformer en fête de toute la cité. À cette
occasion aurait peut-être été joué, en 1435, un Mystère du siège d’Orléans financé
par Gilles de Rais. La campagne de la Loire qui suivit est plus classique.
L’armée royale, cette fois commandée par le duc d’Alençon, s’empare de Jargeau
le 11 juin, de Meung le 15 et de Beaugency le 17. À Patay, l’armée,
renforcée par les hommes du connétable de France, Arthur de Richemont, qui
vient d’arriver, l’emporte sur une armée anglaise où la division règne entre
les chefs. Falstaff s’enfuit, Talbot est fait prisonnier. Pris par surprise,
les Anglais comptent 2 000 morts et 200 prisonniers. La légende armagnac
veut que le camp français n’ait eu que 3 morts.
     

Le mystère du sacre
    La seconde intervention de la Pucelle, décisive celle-là,
est d’ordre politique. Après Patay, tout était ouvert. Fallait-il marcher sur
Rouen, le point fort de la domination anglaise, ou sur Paris, où les Parisiens
renforçaient le guet et leur artillerie, ou alors opter pour Reims, destination
lointaine à des centaines de kilomètres en terrain hostile ? Reims,
indispensable au sacre puisque y était conservée l’huile de la sainte ampoule
qui avait, disait-on, sacré et baptisé Clovis. Depuis, l’huile venue du Ciel
était conservée à l’abbaye Saint-Remi et servait à chaque génération à donner
au roi sa légitimité.
    Jeanne croyait au sacre, le second point de sa mission.
Jusqu’à cette cérémonie, elle nommerait Charles « le dauphin ». Pour
elle, comme pour tous les simples gens, c’était le sacre (donc Dieu) qui
faisait le roi. Depuis son enfance, chaque année au début d’octobre, elle avait
entendu le prêtre de son village célébrer le saint évêque Remi, qui avait
converti et baptisé le premier roi de France. L’église du lieu lui était
dédiée. Le prêtre pouvait aussi parler, à cette occasion, des miracles
royaux : oint de l’huile sainte, le roi obtenait le pouvoir de guérir les
écrouelles. Peut-être le célébrant introduisait-il aussi alors la prophétie
attribuée à Remi qui faisait des descendants de Clovis les seuls vrais rois pour
l’éternité. Celui qui porte le sang et qui est digne de la couronne est
« vrai héritier et vrai roi ». Dieu lui a révélé la légitimité de
Charles VII. Et, une fois qu’il aura été sacré, celle-ci éclatera aux yeux
de tous. Le choix céleste est le seul incontestable.
    Ce n’était pas ce que pensaient les théologiens et les
juristes de l’entourage du roi, l’archevêque de Reims excepté évidemment. Pour
les juristes, le fils du roi est automatiquement roi dès la mort de son père.
Le fils aîné est, en quelque sorte, virtuellement roi du vivant de son père.
Nul ne peut donc le priver de ses droits ; l’argument avait été fort utile
lors du traité de Troyes en 1420. À la mort de Charles VI, le dauphin
était donc devenu, pour tous ses partisans, Charles VII, roi par la grâce
de Dieu. Il avait arboré le sceau en majesté et exercé absolument toutes les
prérogatives royales, non sans annoncer son intention d’aller un jour se faire
sacrer. Toutes les prérogatives, enfin pas tout à fait : jamais, entre
1422 et 1429, le roi

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