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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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Charles ne toucha les écrouelles.
    Il aurait été facile aux Anglais de faire sacrer le jeune
Henry VI, même si l’enfant vivait en Angleterre. Ils tenaient Reims où
était l’huile sainte et Saint-Denis où étaient conservés couronne, sceptre et
vêtements du sacre. Seul le prélat consécrateur leur manquait, puisque
l’archevêque Renaud de Chartres était un fidèle de Charles VII. Mais les
régents n’avaient rien envisagé de ce genre. Les légistes anglais partageaient
les avis des juristes français. D’ailleurs, en Angleterre, le sacre avait moins
d’importance qu’en France. Et sur le continent il pouvait paraître sensé
d’attendre la majorité prévue pour les rois de France, soit treize ans. Henry,
âgé de huit ans, était encore bien jeune pour subir une cérémonie de plusieurs
heures, que ce soit à Westminster ou à Reims.
    Le sacre est une obsession propre à Jeanne. Elle en parle à
Vaucouleurs comme à Chinon, elle supplie le roi d’y consentir juste après la
victoire d’Orléans comme après la campagne de la Loire, où elle pleure aux
pieds du prince pour obtenir la décision.
    L’armée royale partit de Gien pour le « voyage du
sacre » à la fin de juin 1429. Le 16 juillet, Reims ouvrait ses portes et,
le 17, Charles était oint et couronné dans la cathédrale comme tous ses
prédécesseurs depuis le XI e siècle. Les chroniqueurs royaux taisent
les différences : peu importe si sept ans avaient passé depuis la mort de
Charles VI (un interrègne anormalement long), si l’ordo de la cérémonie
n’était pas le bon, si les pairs étaient très majoritairement absents, comme la
couronne et le sceptre, conservés à Saint-Denis. L’archevêque consécrateur et
l’huile sacrée étaient bien là. Charles put promettre aux habitants de son
royaume la justice et la paix, recevoir l’onction qui faisait en principe de
lui un autre homme pourvu de toutes les capacités d’un roi et ceindre une
couronne trouvée sur place. Le mystère du sacre fut plein d’enthousiasme et de
ferveur. Au premier rang, Jeanne et son étendard. « Il a été à la peine,
il était juste qu’il fût à l’honneur », dira-t-elle à Rouen.
    Parmi les plus humbles assistants, les parents de Jeanne,
dont le roi paya le séjour à l’auberge de l’Ane rayé, peut-être aussi son
parrain, Jean Morel, qui l’avait vue à Châlons sur le chemin du sacre.
« Elle lui donna un vêtement rouge qu’elle avait porté. » Pour les
habitants de Domrémy, Jeanne était déjà une sainte, et les objets qu’elle avait
touchés, des reliques. Le 31 juillet, le roi reconnaissant exempta tous les habitants
de Domrémy et du village voisin de Greux de toutes tailles, aides et subsides à
perpétuité.
    Quatre jours après le sacre, Charles vint en pèlerinage à
Saint-Marcoul de Corbeny où il toucha pour la première fois les écrouelles sur
des malades probablement rassemblés à la hâte. Désormais, nul ne pouvait plus
nier qu’il était vrai roi de France. Le traité de Troyes avait vécu et la
double monarchie (France-Angleterre) qu’il avait voulu édifier tombait aux
oubliettes.
    Bien sûr, les Anglais essayèrent de réagir sur le même
terrain. Le 6 novembre 1429, Henry VI fut sacré et couronné roi
d’Angleterre dans l’abbaye de Westminster et le dimanche 16 décembre 1431, sept
mois après la mort de Jeanne, il fut sacré roi de France en la cathédrale
Notre-Dame de Paris. Il n’est que de lire le Journal d’un Bourgeois de Paris pour saisir la déception de l’opinion. Le jeune Henry « qui se nommait roi
de France et d’Angleterre » fut sacré et couronné par le cardinal de
Winchester avec une huile qui n’était pas celle de la sainte ampoule ! Au
festin du sacre, on servit de la viande bouillie, « qui semblait très
étrange chose aux Français et même les malades de l’Hôtel-Dieu, à qui les
restes furent servis, la trouvèrent mauvaise ». L’enfant repartit le
lendemain sans libérer les prisonniers ni diminuer les impôts. Qui plus est, la
météo s’en mêla : les jours étaient courts, il neigeait et faisait grand
froid ! Encore s’agit-il ici de l’avis d’un fervent Bourguignon…
    Bien sûr aussi, la double monarchie ne s’effondra pas
immédiatement. Bedford était habile et tenace. Après Reims, deux partis
s’affrontèrent au Conseil du roi Charles : Jeanne et les Armagnacs
voulaient récupérer au plus vite toutes les villes du Bassin

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