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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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parisien
d’obédience bourguignonne (Compiègne, Creil, Beauvais, Château-Thierry,
Soissons, Senlis, Crépy-en-Valois), ce qui fut fait, et se présenter devant
Paris, en espérant un soulèvement en faveur du roi. D’autres trouvaient cette
politique trop risquée et visiblement hostile à la Bourgogne. Il valait mieux,
pensaient-ils, traiter avec le duc et bouter les Anglais hors de France
ensuite. Quand l’assaut contre Paris échoua le 8 septembre, le roi leur donna
raison. Il fallut cinq années pour trouver un arrangement avec la Bourgogne et
quinze autres années pour récupérer la Normandie puis la Guyenne. Il est
certain, comme les minimalistes le disent, que la mission de Jeanne n’était pas
terminée quand elle mourut. Paris s’était refusée au roi Charles et les Anglais
étaient toujours là. Mais l’année 1429 fut bien, qu’il s’agisse de la
libération d’Orléans ou du sacre de Reims, un tournant de l’histoire de France.
Les contemporains ne s’y trompèrent pas. Depuis, dirent-ils, la puissance des
Anglais ne cessa de diminuer et de s’amenuiser. Jamais plus, ils ne gagnèrent
quelque chose en France ! Était-ce que Jeanne, du haut du Ciel, continuait
à protéger les siens ? La guerre de Cent Ans devenait peu à peu un conflit
national.
     

Armagnac ou
française
    Les minimalistes et les mythographes, en général, n’ont
aucune sympathie pour l’époque médiévale, « un monde de crédulité
superstitieuse, un monde irrationnel fait d’un mélange de symboles, de magie,
de religion, de secrets, de sorcellerie [42]  ».
Il leur échappe totalement que l’époque fut très créative en matière
politique – elle inventa l’Etat moderne – comme en matière de lien
social. La nation est une invention médiévale.
    Certes, ce n’est pas Jeanne qui l’a inventée. Les concepts
nationaux sont pour elle assez flous. La France est d’abord une région où réside
son roi, entre la Seine, le Val de Loire, Bourges et Poitiers. « Il
fallait qu’elle vînt en France », dit-elle au duc de Lorraine. En ce sens,
la France est l’un des nombreux pays du royaume, tels la Champagne ou le
Barrois. Quand elle veut parler du royaume, elle dit « toute
France », comme au XI e siècle. Le saint royaume est béni de
Dieu. Il a sa place au premier rang de la chrétienté. Jeanne pense toujours
autant en termes de chrétienté que de nation. La réforme s’adresse à tous et la
croisade contre les Turcs, qui, au XV e siècle, sont à juste titre
une hantise pour l’Europe, fédérera toutes les nations chrétiennes.
    Que connaît-elle de l’histoire de France ? Le baptême
de Clovis, le règne de Charlemagne, le temps du bon roi Saint Louis. Pour
l’histoire récente, le meurtre de Jean sans Peur à Montereau (qui fut
« grand dommage » pour le royaume) et le traité de Troyes qu’elle ne
reconnaît pas. C’est peu et c’est beaucoup. Elle peut se situer et situer le
roi dans une histoire qui remonte aux origines, continue et glorieuse. Et cette
histoire est une garantie d’avenir.
    Les mythes qui structurent le sentiment national français
sont apparus progressivement à partir de la fin du XIII e siècle,
mais c’est la guerre contre l’Angleterre qui leur a donné leur forme
définitive. En France, c’est l’État qui a créé la nation. Ceux qui écrivaient
n’appartenaient pas aux mêmes milieux que Jeanne : proches de la Cour,
comme Christine de Pisan, secrétaires du roi, comme Montreuil ou Chartier,
évêques comme Laurent de La Faye ou Jouvenel des Ursins. Ils écrivaient pour le
roi, pour les grands et pour une opinion publique [43] qui existait mais ne se définissait pas
du tout comme aujourd’hui : nobles, officiers royaux, chefs d’armée,
universitaires, prélats, en somme les sages et les hommes d’autorité. La
multitude ignorante, dont Jeanne faisait partie, n’était pas directement visée
par ces textes de réflexion autour de thèmes abstraits : « Qu’est-ce
qu’une nation ? Qu’avons-nous en commun ? » Mais, bien au-delà
de l’opinion, laquelle s’était constituée en interlocuteur du prince, paysans
et habitants des villes partageaient une forte méfiance vis-à-vis des Anglais.
Rien n’est plus efficace pour constituer une identité que l’existence d’un Autre
qu’on peut diaboliser. Ils partageaient aussi une commune fidélité à leur
seigneur naturel, le roi de France.
    Bien sûr, Jeanne leur ressemblait. Il y

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