Jeanne d'Arc Vérités et légendes
Troyes le croyaient. Non seulement
elle volait, mais elle pouvait faire voler toute l’armée au-dessus des
remparts ! Lorsque frère Richard s’était approché d’elle, Jeanne lui avait
dit : « Approchez hardiment, je ne m’envolerai pas. » Et les
geôliers de Rouen semblent avoir surveillé de près les fenêtres !
« Interrogée si elle sait quelque chose de ceux qui
vont en l’air avec les fées, elle ne l’a jamais fait et n’en sait rien, mais
elle en a entendu parler : ils y allaient le jeudi. Mais elle n’y croit
pas et croit que ce n’est que sorcellerie. »
Où les juges situeraient-ils ces réunions de sorciers et
sorcières ? C’est tout simple : sous l’Arbre aux fées, près de la
fontaine, à la limite du terroir où « ceux qui ont coutume de danser de
nuit avec les fées se rassemblent, Jeanne avait coutume de fréquenter l’Arbre
et la source, le plus souvent de nuit ».
Ils ne vont pourtant pas poursuivre. Sont-ils si sûrs que
les vieilles volent à califourchon sur des animaux noirs ou sur les esprits du
vent ou, plus tard, montées sur des balais (cela après 1435, le bâton de Jeanne
ne put donc être utilisé en ce sens) pour se rendre au sabbat ? En 1440,
le Champion des Dames propose en effet une controverse
d’actualité : oui ou non les sorcières volent-elles ? Deux allégories
s’affrontent. C’est à Lourd Entendement (l’idiot) qu’il confie la thèse du oui
et à Franc Vouloir (le cerveau bien formé) qu’il confie celle du non.
À la génération de Jeanne, tout le monde ne croyait donc pas
aux sorcières, même s’il y avait déjà des procès. Enfin, les juges n’avaient
pas intérêt à poursuivre sur un terrain mal assuré, puisque entre-temps ils
avaient trouvé deux chefs d’accusation imparables (les voix et le port de
l’habit d’homme) qui leur permettraient de la condamner pour hérésie. Et la
condamnation leur importait plus que le motif.
10
Le héros ne meurt jamais
Les survivalistes ont, à partir de 1890, prétendu que
Jeanne n’était pas morte brûlée. Elle aurait survécu sous la forme de la dame
des Armoises. Pour les historiens, la mort de Jeanne sur le bûcher ne fait
aucun doute.
En mars 1429, Jeanne n’a pas peur de défier les Anglais.
Dieu veut qu’ils s’en aillent, puisqu’ils n’ont aucun droit en France.
Elle-même a confiance en sa mission et ses partisans la croient indestructible.
Ce ton de défi, on le retrouve encore le 13 mai dans la prison de Rouen, où
elle dit au comte de Warwick, qui le prend très mal : « Même s’il y
avait 100 000 Godons de plus qu’ils ne sont à présent, ils n’auront pas ce
royaume. » Le comte de Stafford tente alors de la poignarder. Et elle
continue de leur prédire l’entrée du roi Charles à Paris avant sept ans et une
défaite spectaculaire qui mettra fin à leur pouvoir sur le continent.
Pourtant, elle a vite compris quel risque elle courait à
tomber dans leurs mains. Dès qu’elle fut prisonnière, elle craignit que Jean de
Luxembourg ne la livrât. Elle apprit en octobre 1430 que l’accord était sur le
point de se faire entre Bourguignons et Anglais. Quand Jeanne sut qu’elle
allait être livrée aux Anglais, elle désespéra. Elle sauta du haut de la tour du
château de Beaurevoir, tentant de s’évader ou peut-être de se suicider. En
vain. À Rouen, mi-mai, elle confia à Aymon de Macy : « Ces Anglais me
feront mourir. »
Une prison
confortable ?
Comme il s’agit d’un prisonnier de sang royal, écrivent les
mythographes, les Anglais ont déployé tous leurs égards. Le château du
Bouvreuil abrite une partie de la garnison, comme les appartements du
gouverneur, le comte de Warwick. Les tours servent de stockage ou de prison. La
chambre de Jeanne, située au premier étage dans la tour vers les champs, serait
grande, confortable, pourvue d’une cheminée et précédée d’un escalier de huit
marches. On pourrait y recevoir facilement jusqu’à douze personnes. Toujours
selon les mythographes, Jeanne passe de longs moments dans sa chambre, où elle
est bien nourrie et bien traitée !
Les témoins du procès en nullité ne partagent pas ces
impressions. La pièce est probablement assez grande puisqu’il n’y a que deux
pièces par niveau dans cette tour. Mais elle est assez basse de plafond puisque
située « sous un escalier » qui dessert l’étage supérieur. La
cheminée n’est jamais mentionnée et la
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