Joséphine, l'obsession de Napoléon
ordonna alors au domestique de se déshabiller et poursuivit ses investigations ; elle dénicha le diamant entre les fesses du coupable. Le récit de la fouille, à moins que ce ne fût le langage cru de la maréchale, fit rire Joséphine aux éclats. Mais ces anecdotes ne pouvaient meubler la solitude.
Napoléon consentit à ce qu’elle le suivît jusqu’à Mayence où il l’installa au Palais teutonique. Hortense l’y rejoindrait, car Louis avait reçu le commandement d’une armée qui contrôlerait la région de Cassel, à la gauche de la Grande Armée.
Qu’était-elle venue faire à Mayence ? Si elle avait espéré être plus près de son époux, c’était partie remise, car le lendemain de leur arrivée, le 1 er octobre, il était reparti rejoindre ses armées. Elle eut du moins la consolation de retrouver Hortense et de se voir offrir des fêtes par les princes locaux, le grand-duc de Hesse-Darmstadt et le prince primat, Karl Theodor von Dalberg, que Napoléon avait coiffé du titre d’« Altesse éminentissime » pour le récompenser de s’être rallié à lui ; le prince donna pour elle un bal masqué. Pittoresque affaire où tous les hommes portaient de faux nez et de fausses barbes, les cheveux emprisonnés dans des bourses.
L’objet de la campagne de Napoléon était d’en finir avec la Prusse et la Russie, qui avaient conclu une alliance à l’été 1806, alarmées par la création de la Confédération du Rhin ; les deux pays étaient résolus à résister aux projets hégémoniques de la France et se défendaient mal contre la tentation de s’unir à l’Angleterre.
Joséphine put suivre l’avance de Napoléon étape par étape, car il lui écrivait régulièrement ; il lui racontait même son rythme de vie : couché à 20 heures, levé à minuit, à l’heure où, comme il le devinait justement, elle n’était pas encore couchée.
Le lendemain de la victoire d’Iéna, où il avait coupé la route de Berlin aux armées prussiennes, elle reçut le billet suivant :
Mon amie, j’ai fait de belles manoeuvres contre les Prussiens. J’ai remporté hier une grande victoire. Ils étaient cent cinquante mille hommes ; j’ai fait vingt mille prisonniers, pris cent pièces de canons et des drapeaux. J’étais en présence et près du roi de Prusse ; j’ai manqué de le prendre ainsi que la reine. Je bivouaque depuis deux jours ; je me porte à merveille.
Adieu, mon amie, porte-toi bien et aime-moi.
Il en avait après la reine Louise de Prusse, l’épouse de Frédéric-Guillaume III, qui participait aux combats ; entré à Berlin le 1 er novembre, il écrivit :
La reine de Prusse a été plusieurs fois en vue de nos postes ; elle est dans des transes et des alarmes continuelles. La veille, elle avait passé son régiment en revue ; elle excitait sans cesse le roi et les généraux ; elle voulait du sang ; le sang le plus précieux a coulé.
Et il raconta sur elle des histoires douteuses. Au moins son mari ne l’empêchait-il pas de se mêler de la guerre, elle ! jugèrent Hortense et Joséphine, qui tança son mari à propos du mal qu’il disait des femmes ; de Berlin encore, il répondit :
J’ai reçu ta lettre où tu me parais fâchée du mal que je dis des femmes. Il est vrai que je hais les femmes intrigantes au-delà de tout. Je suis accoutumé à des femmes bonnes, douces et conciliantes ; ce sont celles que j’aime. Si elles m’ont gâté, ce n’est pas ma faute, mais la tienne.
Pour lui, une femme qui faisait la guerre était une intrigante. En engageant son mari à mobiliser ses troupes contre Napoléon, Louise s’était donc montrée « intrigante ». Cependant, il restait galant, du moins à l’égard de Joséphine. Mais il était loin et elle avait besoin de cette présence à laquelle elle semblait croire de moins en moins. Passant par Mayence en allant à Berlin, Talleyrand la trouva en larmes.
À Berlin, presque maître de la Prusse, Napoléon signa le décret interdisant les ports de ce pays aux navires anglais ; c’était le début du blocus continental, par lequel il continuait sa guerre contre l’Angleterre.
Le tsar Alexandre Ier mobilisa ses troupes pour courir à l’aide de son allié, Frédéric-Guillaume III, qui s’était alors réfugié avec sa femme dans une province hors de portée de ce diable de Français.
Entretemps, les rapports épistolaires du couple impérial se poursuivaient ; ils durèrent presque tout le
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