Joséphine, l'obsession de Napoléon
pas « trop résisté ».
Pendant ce temps, il adressait toujours à Joséphine ses assurances d’amour et ses recommandations de courage. Le 26 janvier :
Mon amie, ta lettre du 20 janvier m’a fait de la peine : elle est trop triste ; voilà le mal de n’être pas un peu dévote.
On peine à comprendre comment, du moins dans l’esprit de Napoléon, la dévotion eût protégé Joséphine de l’infortune conjugale.
Il s’avança en Prusse-Orientale, à la recherche des armées russes avec lesquelles il espérait en découdre. Marie Walewska, qui semblait s’être énamourée de lui – telle est du moins l’impression qu’elle donne dans ses Mémoires, mais peut-être est-ce pour habiller sa folle aventure d’un brin de sentiment –, devait se tenir prête à le rejoindre là où il allait.
Les armées russes s’avancèrent enfin et, le 8 février, livrèrent bataille à Eylau ; l’issue n’en fut qu’une demi-victoire pour Napoléon. Le lendemain, il en informait Joséphine :
Il y a eu hier une grande bataille ; la victoire m’est restée, mais j’ai perdu bien du monde. La perte de l’ennemi, qui est plus considérable encore, ne me console pas. Enfin, je t’écris ces deux lignes moi-même, quoique je sois très fatigué, pour te dire que je suis bien portant et que je t’aime. Tout à toi.
Il établit ses quartiers d’hiver sur la rive droite de la Vistule, entre Dantzig et Varsovie, et s’installa lui-même, le 1 er avril, au château Finkenstein, près d’Osterode. Il le décrivit à Joséphine, précisant que le château contenait beaucoup de cheminées, ce qui lui était agréable, parce que, se levant souvent la nuit, il aimait voir du feu.
Il y fit venir Marie Walewska. Leur liaison durait alors depuis trois mois, et Napoléon n’était pas le seul qui écrivît au pays. La plus grande partie des lettres portaient sur l’effroyable massacre qui avait eu lieu à Eylau, et que le Bulletin des armées avait évidemment relaté. La Bourse de Paris chuta. Comme Fouché s’en inquiéta, Napoléon l’assura que la France ne s’était jamais trouvée en meilleure position, ajoutant cet argument déconcertant : « Que sont après tout vingt mille morts pour une grande bataille ? » Cependant les rumeurs traversèrent aussi l’Europe, rapportant l’existence d’une femme dans la vie de l’Empereur. Car Marie Walewska habitait le château Finkenstein comme si elle en était la maîtresse. Connaissant les problèmes dynastiques de son amant, elle rêva peut-être de devenir son épouse légitime, moyennant deux divorces, et de servir ainsi sa patrie.
Constant, le valet de l’Empereur, pourtant attaché à Joséphine, écrivit que « l’épouse polonaise » de son maître était une compagne parfaite.
Joséphine, toujours à Mayence, eut vent de la liaison avec Marie Walewska, en termes probablement vagues, car elle ne nomme pas celle-ci, ce qu’elle n’eût pas manqué de faire si ses informations avaient été plus précises. De toute façon, Napoléon était parti de France depuis plus de sept mois, et elle ne pouvait penser qu’il avait tout ce temps mené une vie de moine.
Elle fit part de ses soupçons à Napoléon ; il les prit à la légère et, le 10 mai, lui répondit :
Je n’aime que ma petite Joséphine, bonne, boudeuse et capricieuse, qui sait faire une querelle avec grâce, comme tout ce qu’elle fait. […] Mais revenons à ces dames. Si je devais m’occuper de quelqu’une d’entre elles, je t’assure que je voudrais qu’elles fussent de jolis boutons de roses…
L’allusion sexuelle est patente. Joséphine ne pouvait plus masquer la réalité. Le printemps était revenu, Napoléon était installé dans une belle demeure de Prusse-Orientale, et il n’évoquait pas une seule fois la possibilité qu’elle l’y rejoignît.
De Finkenstein, il continuait à tout régenter. À sa mère, il rappelait qu’elle devait maintenir la coutume des dîners familiaux du dimanche soir, à Joseph, il rappelait les devoirs des États vassaux, à Fouché, il recommandait de s’assurer que Mme de Staël ne quittât pas la Suisse, à Jérôme, il conseillait de faire appliquer des sangsues sur ses hémorroïdes…
Il n’était pas pressé de rentrer en France. L’Europe seule était vaste pour lui servir de terrain de jeux. Et quels jeux ! Il exigea des États allemands vassaux l’envoi de cent mille hommes.
Il préparait une nouvelle
Weitere Kostenlose Bücher