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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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la ville. « Envoyez Murat », a dit Buonaparte.
    En écoutant ce récit militaire, Rose reconstituait l’image de ce jeune homme sec comme un coup de sabre.
    — C’était une idée folle. Ramener en pleine nuit quarante pièces d’artillerie à travers les quartiers de l’ouest, qui étaient aux mains des royalistes ! Mais Barras, puis Murat l’ont acceptée. Murat est parti avec trois cents cavaliers et, au petit matin, il a ramené les canons attelés aux chevaux. Napoléon les a immédiatement fait disposer aux points stratégiques. À 11 heures du matin, Barras s’est rendu à la Convention où il a exposé les mesures de défense qu’il avait prises. Mais tout le monde en ville croyait à la victoire des insurgés.
    Thérésa observa une pause et but une gorgée de sa tasse de chocolat.
    — Il pleuvait sans cesse depuis la nuit. Les insurgés avaient sans doute peur de se mouiller, ils n’ont pris aucune initiative. La garde faisait battre les tambours, je ne saurai jamais te décrire l’atmosphère sinistre de la ville. À 16 heures, les insurgés ont commencé à avancer vers les Tuileries. Ceux qui se trouvaient sur la rive gauche ont tenté de franchir la Seine. Les canons leur ont barré la route. Rive droite, leur masse emplissait la rue de la Loi. Buonaparte a fait donner les canons. Les rebelles ont été décimés. Ils se sont regroupés rue Saint-Honoré, devant l’église Saint-Roch. Buonaparte a fait avancer les artilleurs et des canons par une des rues transversales. Les insurgés sont tombés par centaines…
    — On croirait que tu y étais, s’émerveilla Rose.
    — Oh, tu ne sais pas combien de fois j’ai entendu les récits de la bataille ! J’attendais ici, tremblante de peur, et, quand les premiers émissaires sont arrivés, à 19 heures, pour m’annoncer la victoire, j’ai fondu en larmes.
    D’autres récits, moins exaltés, apprirent à Rose que les rues des parages des Tuileries étaient restées pendant deux jours jonchés de cadavres, quelque mille cinq cents ou deux mille, on ne savait. Barras avait eu la sagesse de faire rouvrir les portes de la ville pour permettre aux insurgés survivants de s’enfuir.
    Barras était désormais le maître de la République qu’il avait sauvée. Mais le véritable héros de la Convention était le « général Vendémiaire ». Buonaparte.
    L’esprit de Rose y revenait souvent, sans trop savoir qu’en penser.
    Maintenant que la menace de guerre civile, qu’elle avait tant appréhendée, s’était éloignée, Rose pouvait songer à son avenir. Elle était la maîtresse officielle du personnage le plus puissant de la République, mais combien de temps celle-ci se maintiendrait-elle en l’état ? Un homme gouvernait sa tête et lui assurait l’opulence, Barras, un autre occupait son coeur, Hoche, mais le premier ne semblait guère se soucier de noces et le second était marié. Elle n’était que la veuve Beauharnais, objet d’apparat ou trophée pour l’un, de fierté pour l’autre, mais elle savait déjà l’inconstance des hommes. D’un jour à l’autre sa fortune pouvait se dérober et elle se retrouverait, comme les autres femmes de trente ans, réduite à observer son propre déclin.
    Elle se moqua d’elle-même un moment : elle en était à chercher un mari, comme une donzelle de province ! Et pourtant…
    Le général Vendémiaire ressentait-il vraiment ce que ses yeux clamaient ? Ou bien n’était-il qu’ébloui par la femme qui régnait sur le faste du premier directeur ? Car le Directoire avait été entre-temps proclamé grâce à la victoire de Vendémiaire.
    Elle tenta de s’informer sur la vie amoureuse du général ; personne n’en savait rien. N’avait-il connu que des filles à soldats ? Elle eut interrogé Lazare, car les militaires savent ces choses-là, mais il était alors en campagne. Fouché, nouveau ministre de la Police, se révéla évidemment mieux informé que les autres ; aussi était-il coutumier de l’espionnage des vices secrets des gens qui voletaient autour des flammes du pouvoir ; c’était chez lui une seconde nature. Et Buonaparte passant pour être « l’homme de Barras », Fouché ne pouvait manquer de recueillir des ragots sur lui, voire d’en solliciter. Elle le prit en aparté lors d’un souper qu’elle donnait rue Chantereine.
    — Il a eu un amour de jeunesse, répondit le policier, une dénommée Eugénie Clary, qu’il s’obstinait à

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