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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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appeler Désirée. Mais je parierais fort qu’il nourrit désormais de plus hautes ambitions.
    Le masque de Fouché se plissa de fines rides autour de la bouche et des yeux, ce qui lui fit un rictus éloquent : il en savait plus long.
    — Que voulez-vous dire, Joseph ?
    — Le coeur fond dans la vanité comme le sucre dans le chocolat chaud, madame.
    — Mais encore ?
    — Buonaparte est devenu un personnage magnifique. Ne soyez pas étonnée qu’il vous invite dans sa loge à l’Opéra ou à l’un de ses banquets.
    — Il donne des banquets, maintenant ?
    — Oui, dans son siège de la place Vendôme. Il consent parfois à ce que le noble sexe y soit convié. Et il se déplace dans un attelage somptueux.
    — Où trouve-t-il donc l’argent ?
    — La République lui fait crédit, madame, rétorqua Fouché en réprimant un rire qui ressemblait à un couinement de rat.
    Rose était stupéfaite : peu de semaines plus tôt, ce garçon étriqué et dépenaillé avait dépêché à la mort plus de mille cinq cents royalistes, et maintenant il était fastueux ? Vrai, le petit général était désormais commandant en second de l’Armée de l’intérieur et devait à ce titre être bien mieux rémunéré qu’autrefois. Mais la métamorphose que décrivait Fouché semblait bien plus profonde. Elle reflétait une volonté de puissance autant qu’une vanité frustrée. Car l’étalage du luxe trahit toujours un besoin de reconnaissance sociale.
    Buonaparte montait donc à l’horizon de la République.
    « Avancez-le, ou bien il avancera tout seul », avait conseillé Barras aux conventionnels pour emporter la nomination du Corse. Car les autres directeurs n’aimaient pas ce dernier qu’ils désignaient comme « cette petite culotte de peau ».
    Il était peut-être l’homme auquel elle devait accrocher son char. Mais était-il encore épris d’elle, à supposer qu’il l’eût été vraiment ?
    Elle remercia Fouché de ces informations et retourna à ses invités. Au salon, ceux-ci parlaient de la disette qui sévissait à Paris et dans le reste de la France et de la dévaluation des assignats.
    — Puisqu’il s’agit d’événements immédiats, nous allons donc consulter le marc de café.
    Augustine Le Normand se tourna vers le réchaud, posé sur une table de fer, au-dessus duquel gargouillait de l’eau en ébullition et s’affaira à la confection du breuvage. Pendant ce temps, Rose considérait l’arrière-boutique où la devineresse recevait ses clients. Un inquiétant portrait de femme voilée dominait un bric-à-brac d’accessoires insolites. Blanc d’oeuf, cendres jetées au vent, miroirs cassés, tarots, plomb fondu, chiromancie, Rose connaissait toutes les techniques divinatoires de la couturière pythonisse. À travers la porte entrouverte, elle aperçut un passant qui s’était arrêté dans la rue de Tournon, pour contempler dans la vitrine une guêpière ornée de tulle, habillant une catin de plâtre.
    Le visage empreint de révérence admirative, Mlle Le Normand se tourna vers son illustre visiteuse. Elle avait des raisons de fierté : c’était la cinquième fois que la vicomtesse de Beauharnais lui rendait visite. Elle avait eu bien des clients éminents, Robespierre, oui, l’Incorruptible ennemi de la superstition lui-même, Saint-Just, mais aussi Barras, Tallien, Talma et bien d’autres, ils avaient eu secrètement recours à ses services pour déchiffrer le livre de leur destin.
    — Rien qu’à voir sa main, avait-elle confié à Rose, évoquant la visite de Robespierre, j’avais prévu son funeste avenir. La ligne de vie tranchée ! J’ai tremblé quand j’ai vu ce signe ! Et c’était encore au début de sa carrière…
    — Vous ne le lui avez sans doute pas révélé ?
    — Le ciel m’en a gardée ! J’eusse fini comme lui ! Voilà, le café est prêt. Une pincée de sucre ?
    Et sur un hochement de tête de sa cliente, Augustine Le Normand versa une cuillerée de sucre roux dans une tasse de Sèvres, puis le café et tendit le tout à Rose, après avoir posé une petite cuiller dans la soucoupe.
    — Il faudra tout me dire à moi, mademoiselle Le Normand. Les guillotines sont remisées, dit Rose en dégustant le café qui lui rappelait immanquablement son île natale.
    — Grâce à Dieu ! soupira l’autre.
    Le café bu, Rose renversa elle-même la tasse sur la soucoupe. Quelques minutes plus tard, la voyante la retourna et examina

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