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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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mot ? –, et Thérésa, également présente, lui fit fête. Barras lui présenta deux militaires, « notre glorieux général Buonaparte », derechef, et « le valeureux lieutenant-colonel Joachim Murat, l’aide de camp du général ».
    Les deux hommes faisaient un couple pour le moins contrasté. Murat, un géant au grand nez et au visage rubicond, et Buonaparte, la tête arrivant à peine à hauteur des épaulettes de son compagnon. Le Corse n’avait certes pas grandi depuis la dernière fois, mais il paraissait moins hâve et le feu de ses yeux brûla Rose encore plus intensément. L’assurance conférée par son récent succès lui faisait bomber le torse. Mais le regard demeurait inquiet. De temps à autre, il tournait brusquement la tête, comme s’il avait aperçu un franc-tireur embusqué. Il ne semblait s’apaiser que lorsqu’il retrouvait la silhouette de Murat à proximité. Une amitié intense et visible les unissait.
    Fouché, sa tête de mort étirée par un sourire qui montrait ses dents jaunes, vint faire un compliment :
    — Mon général, permettez-moi de vous présenter mes félicitations.
    L’oeil du général se plissa :
    — L’occasion est bonne, monsieur, pour vous féliciter aussi de votre concours.
    Il s’exprimait avec un accent italien prononcé, roulant les r comme une roue de mousquet. Murat les rejoignit, un verre à la main. Rose s’éloigna, entraînant Thérésa.
    — De quoi se félicitent-ils ? demanda-t-elle.
    — Buonaparte a été nommé commandant en second de l’Armée de l’intérieur et c’est grâce aux renseignements fournis par Fouché qu’il a pu triompher des insurgés.
    À la table principale, présidée par Barras, Rose se trouva placée près de Buonaparte. Il semblait émerveillé par le faste de l’hôtel de Barras et le luxe de la table, l’argent, le vermeil et les cristaux qui étincelaient sur les nappes damassées. Rose nota qu’il observait ses manières de table pour les imiter. Il avait ainsi tenté de boire une gorgée de bourgogne blanc, bien qu’il n’appréciât visiblement pas le vin, et avait failli le cracher ; il ne savait pas manger des huîtres ; aussi épiait-il les gestes de sa  voisine. Il s’était forcé à gober deux huîtres et avait renoncé aux autres, puis il s’était repris à trois fois sur la façon de tenir son couteau. Il n’était certes pas coutumier des tables élégantes. De surcroît, il n’en savait pas assez sur le bon ton pour éviter de plonger goulûment le regard dans le décolleté de Rose. Avant de se lever de table, il lui déclara naïvement :
    — Vous sentez bon.
    Ce jeune général avait décidément des manières de loup. Mais Rose s’en amusait.
    Ce ne fut qu’au lendemain de ces mondanités, à la Chaumière, que Rose apprit de la bouche de Thérésa les exploits grâce auxquels Buonaparte avait sauvé la Convention et dont elle ignorait tout, puisqu’elle était alors en route pour l’Allemagne.
    — Nous étions, au soir du 11 vendémiaire, dans une situation critique. Je le voyais bien aux mines de Jean-Lambert et de Barras. Les insurgés disposaient au moins de vingt mille hommes, qu’ils avaient disposés dans le quartier de la rue de la Loi {6} , du Palais-Royal et de la rue Saint-Honoré. Ils bloquaient tous les accès aux Tuileries. De nombreux députés s’étaient réfugiés avec leurs familles dans ce palais, craignant d’être massacrés s’ils restaient chez eux. On voyait bien que les royalistes allaient attaquer les Tuileries par les jardins. Barras, qui avait prévu la montée de l’insurrection depuis l’échec des élections, avait fait rallier des gens auxquels il n’aurait jamais pensé demander de l’aide : des jacobins et même du gibier de potence…
    Thérésa haletait encore d’émotion.
    — Il comptait donc, reprit-elle, une cinquantaine de milliers de défenseurs. Il avait confié leur commandement à une quarantaine d’officiers volontaires. Ceux-ci ont disposé quatre mille défenseurs autour des Tuileries. Mais Barras restait inquiet.
    Cette ligne de protection risquait d’être rapidement fauchée par les balles des insurgés. À 19 heures, il a ordonné qu’on aille lui chercher Buonaparte. Celui-ci était au théâtre. Il n’est arrivé ici qu’à 21 heures. Barras lui a expliqué la situation. « Avons-nous de l’artillerie ? », a-t-il demandé. Barras lui a répondu qu’elle se trouvait à Neuilly, hors de

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