Joséphine, l'obsession de Napoléon
Roquevaire, un essieu de la voiture de Bonaparte se brisa, à la grande frayeur de Joséphine. L’on se serra avec les autres passagers.
Quand ils furent enfin parvenus à Toulon, le surlendemain matin, les voyageurs retrouvèrent le reste des généraux, trente-sept en tout, qui feraient partie du voyage : il y avait là Berthier, Murat, Davout, Lannes, Marmont, Kléber… Contemplé depuis les balcons de l’Intendance de la marine, le spectacle de la flotte assemblée dans le port et jusqu’au large frappa les voyageurs d’admiration.
La mer même semblait constituée de navires, tous battant le pavillon tricolore de la République. Joséphine fut émue par le spectacle de cette puissance qui palpitait sous le vent. Il y avait à bord trente-sept mille hommes, mille civils, savants et ingénieurs, et sept cents chevaux. Une calèche avait même été embarquée pour circuler dans les rues du Caire.
Bonaparte emmena son épouse visiter le navire amiral, L’Orient, qui s’était précédemment appelé Le Sans-culotte. Le luxe en émerveilla Joséphine.
Mais le départ fut encore une fois remis : une violente tempête soufflait en Méditerranée. Le couple prit ses quartiers à l’Intendance de la marine. Le matin du sixième jour, à potron-minet, on frappa à la porte et Bonaparte alla ouvrir. Un géant noir se profila dans l’encadrement ; Joséphine retint une exclamation : elle le connaissait pour l’avoir déjà vu jadis avec Alexandre de Beauharnais ; c’était son cousin naturel, Alexandre Davy de la Pailleterie, dit Dumas. Elle ne souffla mot. La tempête était passée et Dumas venait aux ordres, pour l’embarquement. Bonaparte lui déclara qu’il n’était pas sûr que son épouse prendrait place à bord avec lui. Elle l’apprit à cette occasion. Comme toujours, il fallait qu’on se tînt sur le pied de guerre, dans l’attente de sa décision.
Plusieurs jours de préparatifs suivirent. Mais enfin, Bonaparte ne pouvait remettre l’expédition indéfiniment. Le 18 mai, il décida que le voyage serait trop dangereux pour son épouse. Le 19, il lui fit ses adieux devant ses généraux et ses proches. Une fois de plus, elle pleura. Le reverrait-elle ? Elle embrassa son fils et suivit l’un et l’autre des yeux, tandis qu’ils embarquaient sur une chaloupe, pour aller au navire amiral. Sur le balcon de l’Intendance, avec Joseph à ses côtés, car il resterait en France, elle regarda le navire amiral prendre la mer. Les salves des canons la firent sursauter.
Était-ce un présage ? Le navire amiral s’ensabla. Aussi, il était surchargé. Il parvint enfin à se dégager.
Après avoir attendu deux semaines à Toulon, sur les instructions de Bonaparte, Joséphine se rendit à Plombières, également sur ses instructions. Cela signifie que l’un et l’autre étaient conscients de la stérilité de Joséphine, la Faculté, par le truchement du docteur Yvan, médecin personnel de Joséphine, recommandant Plombières pour cette infirmité.
Ce serait là qu’elle attendrait la lettre de son époux lui indiquant le port d’embarquement pour l’Égypte. Le 20 juin, une des dames avec lesquelles elle s’apprêtait à aller aux bains chauds, Mme de Cambis, l’appela du balcon pour la prier de voir un chien qui passait dans la rue. Une autre dame suivit Joséphine. Elles se penchèrent et la balustrade de bois céda. Les trois femmes tombèrent de quelque six mètres de haut. La plus atteinte fut Joséphine ; elle ne pouvait remuer bras ni jambes. On appela un médecin, le Dr Martinet, qui la fit envelopper dans une peau de mouton fraîchement écorché.
Peut-être ce remède primitif et passablement malodorant fut-il efficace : le 2 juillet, bien qu’elle ne pût encore ni marcher ni rester assise plus de quelques minutes, elle fut quand même en état d’écrire à Barras et de demander de ses nouvelles ; elle joignit à son message une lettre pour Bonaparte.
Sa fille Hortense et tous les médecins de Lorraine accoururent au chevet de l’accidentée. Bonaparte avait entretemps envoyé La Pomone attendre son épouse à Naples ; de là, elle gagnerait Malte et puis Alexandrie, mais il était bien question d’aller en Égypte alors que Joséphine ne pouvait se rendre aux bains que soutenue par deux personnes.
Elle se rétablit lentement et, renonçant au voyage en Égypte, regagna Paris le 16 août 1798 après une étape à Nancy. La ville était en liesse : une
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